Au début des années 1930, Lillian Gish retourne au théâtre avec beaucoup d'humilité. N'oublions que son expérience antérieure, au cours de son enfance et de son adolescence, s"était déroulée dans des troupes itinérantes, sans le lustre du réseau théâtral établi. Cependant, dès ce moment et pour plusieurs décennies, la femme trouvera des rôles, que ce soit dans des pièces populaires ou au théâtre dit classique.
Après quelques tournages, la MGM fait de plus en plus d'ingérance dans les films choisis par leur vedette, particulièrement la production de 1928, The Wind, aujourd'hui considérée comme un classique de l'art silencieux. Mais à l'époque, le film est mis sur les tablettes pendant une année, car Lillian refusait de tourner une finale heureuse. Un directeur de la MGM, pour relancer sa carrière, lui proposa ceci : "Laissez-moi vous organiser un beau scandale, pour faire parler de vous." Non! Une négation de trop. Notons que Lillian Gish avait toujours refusé de se prêter au jeu des potins, à celui de la vie mondaine hollywoodienne. Lors des tournages pour la MGM, elle a du mal à s'adapter aux productions modernes où elle avait peu de liberté dans sa gestuelle, alors que chez Griffith, elle avait appris à tout faire par elle-même. Lillian Gish, après son NON, était sans contrat. Elle a tourné un film sonore en 1930, cherchait à poursuivre, mais fut attirée par un amour de jeunesse : le théâtre. J'y reviendrai, avec aussi un paragraphe sur le destin de Griffith.
Le succès de Broken Blossom sera suivi par deux autres réussites commerciales, mais fera naître un léger conflit entre DW Griffith et Lillian Gish. La comédienne s'était opposée au projet suivant de son mentor : un mélodrame paysan du 19e siècle, intitulé Way Down East, qu'elle jugeait idiot. Sauf que Griffith a encore gagné, bien que le film devait surtout son succès à la scène finale, alors que Lillian est emportée par la débacle d'une rivière glacée.
Un film extrêmement sobre de la saga Griffith, avec seulement trois personnages en vedette, sans foules, sans clinquant ni grands décors. Le mélodrame se déroule à Londres dans le brouillard et Griffith offre des tours de magie avec l'éclairage. Lillian Gish approchait de ses trente ans quand elle doit jouer cette jeune adolescente, battue par son père violent et alcoolique, puis protégée par un Chinois au grand coeur, qui tombe amoureux de la jouvencelle. Soit dit en passant : un autre film pour prouver que Griffith n'était pas raciste, bien que notre Oriental était joué par un Blanc, de façon d'ailleurs très crédible. C'est un film qui mêle la délicatesse et l'émotion brute à des scènes plus rudes, dont le sommet suivant.
L'expérience fut difficile pour le clan Gish. La maman vivra progressivement dans la peur et Dorothy passera sa vie à craindre toute explosion, ayant vécu un bombardement à Londres et d'autres en France. Il y aura aussi un aspect éprouvant pour le cinéaste, alors que des soldats lui servant de guides sont attaqués et tués par les ennemis.
Griffith étant libre de ses décisions, avec des budgets plus imposants, il se lance dans une production inédite, avec l'idée première qui deviendra une des normes du cinéma hollywoodien : un film de longue durée, avec une distribution colossale, mais aussi, pour la première fois, une trame sonore écrite pour le film. Ce sera Birth Of A Nation, de 2 heures 45 minutes, racontant un épisode de la guerre civile américaine, mais du côté des perdants. On y croise une incroyable scène de combats de guerre, beaucoup d'émotions.
Comme beaucoup de comédiennes de théâtre, les soeurs Gish méprisaient le cinéma et elles sont arrivées dans ce domaine par hasard, visitant le studio Biograph à New York pour saluer une copine de route, qui sera célèbre sous le nom de Mary Pickford. D'ailleurs, même après avoir tourné leur premier film, les adolescentes cherchaient toujours des rôles au théâtre. Cependant, les films leur apportaient une certaine sécurité : un salaire journalier de cinq dollars.
Pour ce chapitre, Lillian Gish s'oublie pour laisser la place à l'homme. En lisant ces pages, j'ai pensé me rendre à la fin du bouquin pour constater ce que j'avais deviné : oui, il y a eu recherche historique auprès de cinémathèques, consultation de livres, de découpures de presse, sans oublier les archives du cinéaste, puis des enquêtes auprès de gens qui ont connu l'homme (N'oublions pas que ce texte a été écrit en 1967-68 et que beaucoup de gens un jour en relation avec Griffith étaient toujours de ce monde.)
Si vous désirez lire du vide, procurez-vous une autobiographie. C'est plus que souvent vain, anecdotique, rempli de choses qui ne me regardent pas. La seule captivante que j'ai lue est celle de Lillian Gish, parce que la femme fait preuve d'une qualité absente des autres livres de ce type : l'humilité. Le titre ne ment pas : les fleurs, elle les garde pour le cinéma, pour le réalisateur DW Griffith et un peu pour elle-même.