Un extrait de mon roman de 2003, alors que Marie-Lou, quatre ans, nous fait part de sa perception de Noël, au début des années 1980.
Le père Noël est un monsieur obèse qui porte une fausse barbe et s’habille en rouge. Il est engagé chaque année par le centre commercial où ma maman a un magasin. Il y a autant de pères Noël qu’il y a de centres commerciaux. Ces hommes travaillent à rendre les enfants heureux, même s’ils doivent nous poser des questions idiotes pour savoir si on a été sages, si on a écouté notre maman, des trucs dans ce genre-là... En principe, le père Noël habite le pôle Nord, un endroit très froid. Avec les autres pères Noël, ils travaillent à fabriquer les jouets qu’on voit dans les magasins. Après onze mois dans leurs bureaux, ils se paient des vacances et arrivent à Trois-Rivières pour prendre les enfants sur les genoux en disant oh ! oh ! oh !, je ne sais pas trop pourquoi. Je dis au père Noël ce que je désire comme cadeau. Et puis, à sa pause-café, il va confier ce secret à ma mère, qui travaille à quelques boutiques de la sienne. Le père Noël, cette année, va toujours faire pipi dans la toilette du magasin de maman. Ainsi, je suis certaine d’avoir le bon cadeau. Je lui demande aussi un présent pour mon anniversaire de naissance, deux jours après Noël. Isabelle, ma meilleure amie de la maternelle, est venue au monde un peu avant le jour de l’An, mais ses parents ne lui donnent pas un cadeau supplémentaire. Ce n’est pas juste. De toute façon, Isabelle et moi, on n’aime pas le jour de l’An, qui ne sert qu’à regarder des comiques pas drôles à la télévision. La vie est une fête continuelle. En plus de Noël, il y a Pâques (avec du chocolat), la Saint-Jean-Baptiste (avec des drapeaux), l’Halloween (avec des déguisements), la fête du Travail (avec rien) et les journées pédagogiques. Il y a aussi la fête des amoureux, dont j’ai oublié le nom. Je préfère Noël, car je suis certaine d’avoir un cadeau de plus deux jours après. À la maternelle, ils nous font coller toutes sortes d’affaires en vue de chacune de ces fêtes. Moi, je fais des belles cartes avec des dessins. Là, on vient de faire des cartes de Noël et on monte dans un autobus pour aller les donner à des grands-parents dans un endroit où ils mettent tous les vieux dans une grande salle avec un téléviseur. Il paraît qu’ils aiment recevoir la visite des enfants de la maternelle. Je suis un peu déçue parce que ce ne sont pas des vrais vieux. Roméo est vraiment vieux. Ceux-là font semblant. Ils sont gentils quand même et nous parlent comme à des bébés. Après, on retourne à la maternelle et mademoiselle nous dit qu’on vient de créer l’esprit de Noël. Elle est bizarre, mademoiselle.La semaine prochaine, on devra emporter des boîtes de conserve pour donner aux pauvres qui n’en ont pas pour fêter Noël. Je n’en ai pas non plus, car ma maman fête Noël avec de la dinde et des tartes à la tourtière. Isabelle, qui est pauvre, préférerait une nouvelle poupée à une conserve de soupe aux pois. L’an dernier, puis l’autre avant, elle a demandé une poupée au père Noël et il ne lui en a pas apporté. Sa famille a eu de la soupe aux pois quand même. Les pauvres sont des gens qui passent tout leur temps à regarder la télévision. Ils achètent des billets de loterie et vont flâner au centre commercial. Leurs enfants sont mal vêtus, parce que leurs parents n’ont pas d’argent, car il y a trop de billets de loterie à se procurer. Isabelle n’aime pas Noël. Elle dit que c’est une fête pour les riches.
Commentaires
Oui, exact.
Tu as sans doute compris que je déménage Tutti Frutti ici.
En moins d'une semaine, j'ai déjà eu des commentaires d'une dizaine de personnes différentes, alors que là-bas...
C'est le texte que tu as déplacé n'est-ce pas ?