Des plus jeunes arrondissent les yeux quand je leur dis que j'ai vu les Expos de Montréal à l'oeuvre au Parc Jarry. Ils ont sans doute lu un article sur l'ambiance formidable et intime. D'accord : avec de bons billets, on pouvait entendre les joueurs respirer. Sauf que si votre billet dépassait le troisième but ou le premier, c'était difficile de voir ce qui se passait à l'avant-champ ou au marbre. De plus, les bancs de métal étaient glaciaux en septembre et brûlants au mois de juillet. J'ai cependant vu les Expos autour d'une douzaine de fois entre 1969 et 1976. Voici mon plus beau souvenir.
Comme je me souviens des opposants des Expos, les Astros de Houston, j'ai pu, avec l'aide d'une encyclopédie Internet, dater mon souvenir : jeudi le 6 mai 1971. J'avais 15 ans et je fréquentais le séminaire Saint-Joseph. Un voyage avait été organisé pour les élèves de mon niveau pour nous rendre à Montréal encourager nos Expos. Ce que les gars avaient trouvé moins rigolo : la direction nous obligeait à porter notre uniforme : veston bleu foncé, pantalon gris, chemise blanche et cravate rouge.
Nous avions de superbes places, près de l'abri des montréalais. Vers la fin de la rencontre, Ron Brand est appelé comme frappeur d'urgence. Le voilà dans le cercle d'attente, près de l'abri, quand soudain, il regarde furtivement vers la foule, dans notre direction. Il détourne le visage à peine deux secondes, pour ensuite regarder à nouveau, fronçant les sourcils. Je suis persuadé qu'il devait halluciner de voir une quarantaine de garçons avec des vestons bleu foncé, des cravates rouges et des chemises blanches. Je me suis senti mal à l'aise en pensant que Ron Brand nous avait trouvé un peu ridicules.