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Titre du blog : Mario Bergeron multicolore
Auteur : Mario3
Date de création : 21-12-2014
 
posté le 17-04-2015 à 07:33:27

La peur de ma vie

 

Quand je suis entré en service comme opérateur de nuit pour la station de radio CIGB, le patron m'avait fait une recommandation : ne pas établir de relation avec les personnes qui téléphonaient. Je ne lui ai pas obéi. D'abord, comme il n'y avait pas d'animation, de bulletin de nouvelles ou de météo, les auditeurs devaient penser qu'il n'y avait personne dans le local, que c'était un long ruban de musique préenregistrée qui se faisait entendre. Conséquemment, il y avait peu de coups de fil la nuit, et c'était toujours pour connaître le titre d'une chanson, pour en demander une. Il y avait aussi une douce dingue maniaque d'Adamo avec qui je m'entretenais pour passer le temps, mais elle était gentille.

Puis un jour, sans doute au cours de l'automne 1981 : coup de fil d'un homme désirant entendre Ave Maria par Nana Mouskouri. Je lui dis qu'il s'agissait d'une chanson associée à Noël et qu'il était un peu tôt pour faire tourner ce disque. Il m'explique, au contraire, que cet air n'avait rien à voir avec Noël. Comme je le trouvais distrayant, je l'ai laissé parler. Il était surtout question de la Vierge, des saints, du bon Dieu, de toute la panoplie. C'était un homme habitant Joliette, à 200 kilomètres de Trois-Rivières. En fin de compte, j'ai pensé : "Bof ! Je vais lui faire tourner, son disque." Monsieur content.

Il téléphone quelques jours plus tard, pour la même demande. J'insiste pour signaler que les auditeurs vont se croire le 22 décembre et que je ne dois pas faire tourner ce disque. Ça recommence avec des extraits bibliques, etc, puis un autre Bof de ma part. Une semaine passe et bis. Cette fois, non, non et non. Je lui propose une autre chanson de Nana, mais c'était Ave Maria qu'il voulait entendre. Je crois que je me suis montré prompt et sans doute impoli en le sommant de me ficher la paix avec cette chanson et ses bondieuseries. "T'as pas le droit de me parler comme ça, Mario ! Tu vas avoir de mes nouvelles !" C'est ça et bon vent... En fait, il a tenu promesse.

Vers quatre heures du matin, la porte d'entrée (qui était brisée) ouvre avec fracas et voilà mon auditeur qui monte à toute vitesse, se lance dans le studio et se met à m'engueuler en gesticulant. Derrière lui, il y avait un homme qui me semblait terrorisé, qui me dessinait des signes que je ne comprenais pas. Mon maniaque était furieux, criait fort, lançait des coups de poing sur la console. J'étais mort de peur. À la fin d'un disque qui tournait alors, je recule ma chaise vers la table et il devient menaçant, m'ordonnant de couper toute la musique et de l'écouter. Revoilà des passages de la Bible et toujours cet homme derrière, effrayé, avec ses signes. "Tu me fais tourner Ave Maria ?" Oui, oui... Alors, il est parti, suivi de cet homme qui ressemblait à un nerf vivant. Tout ça n'a duré que quinze minutes, mais j'étais très effrayé et ça m'a semblé une éternité.

Je me suis lancé vers la porte, jeté des chaises devant. Je ne savais pas où donner de la tête, hors de souffle, le coeur battant. J'ai pensé téléphoner la police, mais j'ai décidé d'attendre le retour du patron, à huit heures trente. Je me souviens de la réaction de l'animateur du matin, à son arrivée à 6.30. "Mais qu'est-ce que t'as eu ? Qu'est-ce que t'as ?" J'imagine que je devais avoir la même apparence quand le patron est arrivé. Nous étions un mercredi et il m'a donné congé de deux jours, ce qui, avec le samedi et le dimanche, me laisserait quatre jours pour me remettre de ces émotions. Je me suis souviens être entré chez moi en tremblant, incapable de dormir.

J'ai eu des nouvelles en soirée, car le patron avait raconté tout ça à la police de Joliette. L'homme accompagnant mon cinglé s'était manifesté avant le patron : un chauffeur de taxi qui a dû rouler jusqu'à Trois-Rivières sous la menace d'une arme. C'est ce qu'il tentait de me communiquer par ses signes. La police de Joliette m'a téléphoné en soirée pour que je relate mon aventure.

Le seul truc intelligent que j'aurais dû faire est de mettre en fonction le microphone, mais on y pense toujours trop tard. Quand je suis rentré au travail, le dimanche soir, la porte était réparée et il y avait une note du patron : débrancher le téléphone la nuit. C'était mon intention.

Jamais je n'ai pu oublier ça...

 

Commentaires

MarioBergeron le 24-04-2015 à 18:27:34
Une petite faille ici, mais je réponds toujours aux interventions.
lulette le 24-04-2015 à 12:46:43
Ouh la la, j'aurais fait pipi dans ma culotte, tu sais ! La remarque de Florentin est très juste.

(à quoi ça sert que je mette mon adresse de courriel, je ne reçois jamais tes réponses ?)
MarioB le 17-04-2015 à 17:11:19
Plusieurs employés la nuit pour une station de radio ? On ne voyait cela que dans les grandes villes et même au moment où je le faisais, il n'y en avait plus du tout dans les deux autres stations de Trois-Rivières. C'était un long ruban musical qui tournait. Le grand patron, qui travaillait à la radio depuis les années 1950, m'avait dit ne connaître qu'un autre cas de menace, survenu il y avait longtemps,
Florentin le 17-04-2015 à 15:36:09
Ce qui est étonnant, c'est qu'on laisse un homme seul animer une nuit à la radio. Imagine que tu aies un malaise,, la radio se tait ... Vous auriez été deux ou trois cette nuit-là, vous aurriez pu maîtriser ce foutu forcené...