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Notre patinoire et la chapelle des anglais

Au début de mon adolescence, il y avait une belle patinoire dans la cour. Sur le bout des orteils, avec mes amis, nous avions approché, nos patins sur l'épaule et nos bâtons de hockey entre les mains, pour demander à l'anglais, habitant la maison voisine, si nous pouvions l'utiliser. Bien sûr ! Il s'est rapidement développé une relation amicale entre notre bande et cet anglophone, monsieur Francis, de Philadelphie, qui était le pasteur de la communauté. Il parlait un excellent français, mais pas son épouse ni sa fille. La noirceur venue, il allumait les lumières installées au dessus de la patinoire, puis les éteignait vers 22 heures. En retour, nous entretenions la patinoire, l'arrosions, enlevions la neige. Les membres de la communauté religieuse ne l'utilisaient qu'en soirée, le samedi et le dimanche, mais je me souviens qu'en cas de tempête, nous étions sur place le samedi après-midi pour enlever la neige. Une fois, nous avions joué contre ces adultes, en nous amusant beaucoup.

Madame Francis aimait interrompre nos compétitions pour nous offrir de la limonade. Sa fille Judy, de notre âge, se mêlait à nous pour apprendre le français. Rapidement, elle avait un bâton de hockey entre les mains, même si elle ne savait pas jouer. Je me souviens de la façon dont elle prononçait mon prénom : May-Ri-ô. Tout ceci a duré deux hivers, puis monsieur Francis est retourné à Philadelphie. Nous avons alors tenté notre chance avec son successeur. "No, no, it's private. You're not aloud." Quelques années plus tard, la chapelle a été agrandie, couvrant presqu'entièrement notre ex-patinoire. Puis, il y a deux années, elle est disparue dans un incendie. On en construit une nouvelle, depuis quelques mois.

Il y a une dizaine d'années, alors que j'étais retourné habiter dans le quartier, ma chatte Salomé, pour ses sorties, se dirigeait vers la chapelle des anglais, car il y avait de l'herbe, des arbres pour aiguiser ses griffes. Puis un jour, un mirage : un vieil homme que je n'ai pas mis de temps à reconnaître : monsieur Francis. Il m'a reconnu immédiatement, même si j'étais différent du garçon de 14 ans d'autrefois. Il se souvenait de Normand, de Christian. Il m'a appris que Judy était mariée et mère de trois enfants. Il était en voyage pour visiter les pasteurs canadiens de sa communauté et cet arrêt dans ma ville lui faisait grand plaisir. Il m'a parlé de nos rencontres endiablées sur la patinoire.

Sur la photo : je suis le premier à gauche, sur la seconde rangée, près du petit Normand (avec le casque), de Daniel, de Christian (penché). Le petit agenouillé est Donald et l'autre, Daniel, jeune frère de Christian et depuis décédé. Notez l'accumulation de neige derrière nous. Il y a une date derrière la photo : février 1971. Elle avait été prise par monsieur Francis.