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Titre du blog : Mario Bergeron multicolore
Auteur : Mario3
Date de création : 21-12-2014
 
posté le 15-07-2015 à 05:29:22

Lecture

 

Des livres de ce type ont déjà été publiés, à propos de nombreuses guerres, mais pas sur la guerre de 7 ans au Canada. Si le sous-titre indique les années 1756-1763, ce sont surtout 1760-61 qui sont en cause, années de la conquête britannique de la Nouvelle-France. Ce n'est pas une histoire de cette guerre, mais bien à propos des conséquences sur le peuple conquis.

 

 

Il y a cinq éléments en cause : les petites gens (fermiers, artisans, etc.) la noblesse, les militaires (miliciens, pour la plupart), les prisonniers de guerre, puis les Acadiens ayant réussi à échapper à la déportation de 1755 pour s'établir au Québec. Ce dernier élément me paraît hors contexte.

 

 

Nous savons que l'immense flotte britannique, voguant sur le fleuve Saint-Laurent pour rejoindre Québec, brûlait tout sur son passage. C'est d'ailleurs pourquoi il reste peu de vestiges de la Nouvelle-France dans cette région.

 

 

Imaginons que vous habitez un village du nom de St-Machin, situé sur les côtes du fleuve, et que vous savez que les Anglais approchent. Que faire ? Fuir ! Vers des villages à l'intérieur des terres ou dans la forêt. Les auteurs ont cerné ces gens en fuite et ont pu établir les conséquences de la guerre sur cette population.

 

 

De quelle façon les historiens ont-ils pu voir tout ça ? Par les écrits des curés, tenus de prendre en note les mariages, baptêmes et décès. Or, il y a des villages avec un véritable vide de ces statistiques, pendant quelques mois, indiquant que la population avait déserté les lieux. Les Anglais passés, les gens retournaient vers leurs villages - ou ce qu'il en restait - et alors le curé avait du boulot pour souligner que pendant qu'il était dans un village à l'intérieur des terres, ou dans la forêt, il y eut X baptêmes ou décès. Ceci nous donne le nombre de veuves, d'orphelins. La même méthode est en cause pour les miliciens et soldats. Le nombre de décès est beaucoup plus élevé pendant ces périodes d'absences, ce qui indique que les enfants et les adultes n'ont peut-être pu manger à leur faim, qu'ils ne pouvaient se chauffer, etc. Ces disparitions sont donc des conséquences de la guerre.

 

 

La partie sur les nobles est intéressante. Après la conquête, les Britanniques ont donné 18 mois à tout le monde pour retourner en France. À leurs frais, hein ! Évidemment, le pauvre cultivateur ne pouvait y penser. Ceci s'adressait surtout à la noblesse, entre autres la noblesse marchande et militaire. Un certain nombre de ces gens ont été obligatoirement exilés. Ils devaient vendre leurs biens, laisser derrière eux des personnes de leurs familles. L'argent en circulation ne valait pas la moitié du fric anglais, si bien que plusieurs de ces nobles sont arrivés en France ruinés. Autre conséquence pour la noblesse militaire : le roi les a retirés de ses effectifs de l'armée.

 

 

Pour la plupart des gens de cette noblesse née au Canada, c'était la première fois qu'ils foulaient le sol de la France. Ils n'ont pas été les bienvenus, peu aidés par un scandale, alors qu'une vingtaine de ces nobles avaient gardé pour eux l'argent envoyé au Canada par le roi pour sa colonie. Imaginez un noble, dans son petit manoir, qui se retrouve, six mois plus tard, à la Bastille ! Après 1763, plusieurs de ces nobles sont retournés au Canada, pour rejoindre ceux laissés là-bas. La France n'était simplement pas leur pays.

 

 

Livre intéressant, bien qu'on y trouve trop de tableaux statistiques et de listes, qui présentent les décès d'hommes, indiquant ainsi le nombre de veuves et d'orphelins, de familles brisées, etc. J'ai lu cet ouvrage en quatre jours.

 

 

L'extrait. Une femme de la noblesse canadienne écrit de France à son frère demeuré ici. On sent beaucoup sa peine.

 

 

Voilà le plus grand plaisir que je puisse goûter (...) que celui de m'entretenir avec ma famille. J'ai le plus grand chagrin de m'en être séparé et si c'était à recommencer, j'aurais bien le plaisir d'être maintenant avec toi. Ah, il n'est point de peine comme celle-là. Elle est au-dessus de toutes expressions. Toute ma consolation est d'espérer que vous trouverez à vendre et que j'aurai le bonheur de vous revoir tous. Ah, mon cher petit frère, fais bien tous les efforts pour cela car je ne puis te dire la peine que j'ai. Plus je vais, plus elle augmente. Bien souvent, je ne m'endors qu'en pleurant et si cette lettre ainsi que celles de toute la famille me sont fidèles, elles vous rendront l'empreinte des larmes que je ne puis retenir au souvenir de ma famille. (...) Ce n'est pas que la France ne soit fort agréable, mais il faut y avoir toute la famille et et pour lors nous serions plus qu'heureux.

 

 

La guerre des Canadiens, Jacques Mathieu et Sophie Imbeault, 2013, Éditions du Septentrion