New York est à cinq heures de route de chez moi. Pourquoi s'en priver ? Heu... C'est à dire qu'il faut ajouter à ce temps un soixante minutes de plus à la frontière pour une fouille en règle et deux heures pour entrer à New York même. Je me suis permis ce voyage en août 2002. Bien sûr, on entend parler des Américains ici et là, mais il s'agit de propagande informatisée. Ce n'est pas la réalité. Je voulais connaître la culture américaine telle qu'on ne nous la présente pas.
La gare d'autobus était immense, avec plusieurs restaurants bouffe. Le premier américain croisé en descendant du véhicule portait un drapeau et buvait une bouteille géante de Coca Cola, accompagné par un garçon de huit ans fier de son premier fusil. En sortant, je vois une plaque indiquant que cette gare a gagné la Gare Award pendant huit années consécutives. Vite, un taxi pour me rendre à l'hôtel ! Ah, les légendaires taxis jaunes ! Le chauffeur, tout en croquant un hamburger et en se frottant les tempes avec le canon de son pistolet, m'assure qu'il a gagné le Taxi Driver Award à trois reprises et que j'atteindrai rapidement ma destination sans danger, à moins de croiser un Arabe. Quarante minutes plus tard, me voilà face à ce petit hôtel, gagnant du Small Hotel Award pendant six années consécutives. La femme du comptoir d'accueil, tout en mangeant des hot-dogs, me remet les clefs de la chambre et me souhaite la bienvenue. Il y avait dans le lobby un drapeau couvrant un mur entier.
À moi, New York ! Pas trop loin, il y a une rue commerciale. Je regarde les vitrines, après avoir contourné quelques McDonald. Voisin d'une boutique de carabines, je note un commerce de jouets, avec en vitrine des mitraillettes, chars d'assaut et bombes. Une vendeuse sort et m'assure que ces jouets récents sont éducatifs et non sexistes. En effet, une des armes est rose. Mais comme je n'ai pas d'enfants... Elle sourit, me salue, tout en mangeant une pointe de pizza.
Voilà un parc ! Le Money Park, gagnant du Little Park Award en 1999. Des gamins jouent joyeusement à la guerre, tout en mangeant des Liberty Fries. Voici un pasteur faisant son numéro avec émotion, une bible dans la main droite et un hamburger dans la gauche. Il prétend que l'idée affirmant que Dieu protège l'Amérique n'est pas une chimère, prouvant sa théorie avec des passages bibliques. Quelle passion ! Le saint homme est accompagné par une chorale gospel formée de douze femmes obèses noires, chantant avec coeur, un drapeau dans la main droite et des liasses de dollars dans la gauche. Un peu plus loin, il y a un attrouppement de gens mangeant des hot-dogs et écoutant un jeune noir coiffé d'un pneu, éructant un rap endiablé. Quelle énergie ! Je crois que sa chanson se... heu... que sa récitation est... heu... que son truc s'intitulait Motherfucker asshole shit bitch fuck fuck. Du moins, j'entendais sans cesse ces mots. Ah, la poésie du peuple noir !
Joyeux après-midi où j'ai pu voir un homme molesté parce qu'il venait d'allumer une cigarette, une bagarre en règle à coups de poignards et un homme ému, à genoux, enroulé d'un drapeau, qui geignait un numéro patriotique très apprécié par une foule qui mangeait des hamburgers et des Liberty Fries, tout en chantant God Bless America.
Soudain, j'ai une fringale... McDonald, Pizza Hut, Burger King, bla bla bla. Il n'y a rien d'autre ? Pas le moindre restaurant ? J'ai faim ! Tant pis : j'entre dans un McDo. Face à moi, une famille commande quatorze hamburgers au poulet, dix Liberty Fries et huit Coke jumbo. Pour les deux enfants seulement. Je n'ose pas imaginer ce que demanderont leurs parents. J'ai un haut de coeur et commande un café. Je m'installe à une table, au milieu d'un déferlement de vinaigre, de sel, de beurre et de moutarde. Je ne me sens pas bien... Soudain, un homme entre avec fracas en hurlant contre le personnel du comptoir. Je ne pose pas de questions et fais comme les autres : je m'abrite sous la table. Coup de carabine incessants ! Ça a duré douze secondes. Mon voisin est furieux car dans l'opération, il a renversé son Coke. Tout le monde se réinstalle aux tables, mais je presse le pas vers la sortie, jetant un oeil furtif vers les cuisiniers et filles du comptoir baignant dans leur sang, sans oublier le meurtrier qui s'est suicidé. Semble-t-il que le pain de son hamburger n'était pas frais... À l'extérieur, la télé est déjà là et je suis intercepté par une adolescente ayant entendu dire qu'il y avait maintenant des postes disponibles. Je lui signale qu'il n'y a plus de gérant et que son remplaçant serait sans doute là dans dix minutes.
Je me remets de mes émotions au coeur d'une nuit agitée par quelques coups de feu et l'incessant hurlement des voitures de police. Le lendemain, je marche dans le quartier, note un vendeur ambulant de hot-dogs, gagnant 2001 du Moving Hot-Dog Award. Je regarde quelques monuments, échange avec des natifs, agitant des drapeaux et des hamburgers, vantant les mérites de leurs fusils et... où suis-je ? Me voilà perdu ! Mon hôtel ! Où est mon hôtel ? Voici un policier, qui non seulement m'indique le chemin, mais vient me reconduire. Tout en marchant, il me parle de baseball, croque une pointe de pizza et mattraque quelques Noirs passant par là.
Le voyage a duré trois jours. En revenant au Québec, je me suis agenouillé, les bras en croix, m'écriant "Vive la civilisation!" tout en portant mon regard vers un poteau où étaient cloués quinze signes d'interdictions.
Commentaires
Il faut s'amuser, dans la vie !
Tu charries, là. Ils ne sont tout de même pas comme ça !
Comment, comment, caricature ? Mais je ne fais qu'écrire ce que j'ai vu !
Bonsoir Mario, ta caricature m'a fait bien rire....Mais j'y souscrit avec plaisir car une année avant de venir au Québec, je suis passé par New York pendant 3 jours et j'aurais pu écrire la même réflexion quand j'ai passé la frontière du Canada, un guide nous a accueilli avec un accordéon et des chansons...Je me suis dit je déteste l'oncle Sam et j'adore mes cousins du Québec....