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Titre du blog : Mario Bergeron multicolore
Auteur : Mario3
Date de création : 21-12-2014
 
posté le 25-10-2015 à 22:51:01

Mes profs : Jean-Marc Paradis

 

Lors de mon bacc à l'université, je voyais souvent un vieil homme hanter les couloirs de l'institution, marchant à petits pas, les cheveux rares et blancs, la peau du cou plissée. Je savais que cet homme était un prof d'histoire, mais j'ignorais son nom. Je pensais surtout qu'il était beaucoup plus vieux que les autres enseignants.

Après la fin de mes études, comme je n'avais pas d'emploi en enseignement, je m'étais inscrit au bacc en histoire, comme simple passe-temps et aussi parce que j'adorais cette sphère. Un de mes premiers cours concernait l'histoire politique du Canada. En entrant dans le local, le vieux était là. Je m'attendais à des exposés dortoirs, mais dès les premières minutes, cet homme m'a jeté par terre : non seulement il débordait de dynamisme, mais il avait une voix ferme et radiophonique, gesticulait beaucoup et, je m'en rendrai compte rapidement, il émettait des opinions, ce que jamais les profs d'histoire ne faisaient. De plus, il avait un sens de l'humour aiguisé. En fait, cet homme était moins âgé que je ne le croyais. La haute cinquantaine, mais il avait le physique d'un retraité de 75 ans.

Son nom m'avais fait sourciller : Jean-Marc Paradis. Hé ! J'avais lu son livre sur l'histoire du baseball à Trois-Rivières plusieurs fois. Au fil de nos échanges pendant les pauses, j'apprendrai qu'il fut un gourou de l'univers de ce sport : président de Baseball-Québec, membre du bureau de direction des Aigles de la ligue Eastern, arbitre, marqueur officiel, tant de choses.

Le deuxième travail de session concernait le légendaire premier ministre canadien Wilfrid Laurier. Comme je n'avais rien à perdre à ce moment-là et que j'avais vite noté l'humour de monsieur Paradis et aussi son aspect marginal, j'avais débuté le tout par une phrase qu'on ne voit jamais dans ce type d'ouvrage : "Wilfrid Laurier, c'est le gars dont on voit la tête sur les billets de dix dollars." De plus, je n'avais mis aucune référence, utilisant la paraphrase. Un peu plus tard, je croise monsieur Paradis dans un couloir et il me fait signe de le suivre dans son bureau pour m'avouer que ma phrase initiale l'avait fait éclater de rire, que mon travail était original, "enfin hors des sentiers battus." J'ai obtenu la note maximale.

J'allais développer une belle relation avec cet homme, un rare passionné d'histoire et de baseball. Chaque fois que je le croisais, nous ne parlions que de ces deux sujets. Il avait des opinions sur tout, avait prévu le départ des Expos de Montréal, l'échec de la ligue canadienne de baseball. J'étais alors à la Maîtrise et au Doctorat et monsieur Paradis ne m'a jamais guidé, mais il demandait des nouvelles de mes recherches et se permettait un conseil amical. Je l'ai vu une dernière fois en 2003, lors d'un lancement de livre. Jean-Marc Paradis est décédé au moment où il prenait sa retraite.

 

 

 

Jamais je n'oublierai cette voix franche, sa drôlerie et ses moues quand je prononçais le nom de Mark McGwire, le Rambo des Cards de St-Louis, qu'il accusait d'être bourré de stéroïdes des pieds à la tête. Je sais qu'il a légué son imposante bibliothèque à un étudiant qu'il admirait et que la recherche sur microfilms de journaux pour le livre sur l'histoire du baseball à Trois-Rivières avait été accomplie non par des étudiants de l'université, mais pas des adolescents en difficultés. Jean-Marc Paradis était un homme formidable, une perle rare d'humanité dans l'univers guindé de l'université.

 

Commentaires

MarioB le 29-10-2015 à 17:30:54
Ce qui est moins bien est que je l'avais jugé sans le connaître.
Nikole-Krop le 29-10-2015 à 09:08:10
je n'avais pas réagi à cette histoire-là, tiens ! Pourtant, elle aussi est fort intéressante. Rassurant sur la nature humaine. Il y a parfois des gens bien. Et fort intéressants.
MarioBergeron le 27-10-2015 à 19:01:33
Tant mieux ! J'en ai d'autres qui vont suivre.
Florentin le 27-10-2015 à 18:03:40
On se rappelle tous de l'un ou l'autre de nos professeurs, celui qui nous a marqué par la qualité de son enseignement ou par sa peronnalité. En te lisant, j''en ai quelques uns qui me reviennent en mémoire ....
MarioBergeron le 26-10-2015 à 17:58:27
C'est souvent un choc, surtout quand la personne ne donnait pas de signes avant-coureurs.
jakin le 26-10-2015 à 16:26:13
Bonsoir Mario, Ton article m'a fait penser à mon directeur de Thèse que j'avais invité il y a deux ans à participer à une conférence sur les Forgerons...en cherchant sur internet sa bibliographie, je viens de découvrir qu'il est mort au mois d'octobre de l'année dernière...Une bien triste nouvelle pour ce professeur plein de talents....