L'école de l'enfance comptait sept niveaux d'apprentissage, répartis en autant d'années. Il y avait à l'école Saint-Eugêne deux classes pour chaque niveau. Que trois religieux en poste : le directeur et deux enseignants. Le reste du personnel était féminin. De bons souvenirs des "Mademoiselles", particulièrement mademoiselle Huguette, dont j'étais amoureux. Les deux frères enseignaient au dernier niveau. Donc, les gamins grandissaient en voyant sans cesse ces deux hommes et portaient des jugements, souhaitant pour la grande finale avoir l'un ou l'autre. Il y avait le frère Bovril, lequel mot est une marque d'un bouillon de boeuf. 'Souviens plus de son nom ! Pas plus de celui du frère Charles. Ce dernier faisait peur aux enfants. Je ne voulais surtout pas atteindre sa classe !
Il était costaud, ne souriait jamais, parlait promptement. Je me souviens surtout que lors des récréations, il prenait un bâton de baseball et que tous les gars se reculaient très loin, car le frère frappait la balle avec une immense force. Malchance qui est devenue chance : le frère Charles serait mon enseignant de la phase terminale.
Oui, en classe, il s'exprimait promptement et sans sourire. Cependant, c'était facile de voir que cet homme aimait beaucoup son métier. Même si sa voix tonnait, il n'a jamais utilisé cette arme pour abaisser un élève, pour lui adresser des reproches. Il était fascinant à voir évoluer, à écouter. Comme je lui avais dit que je me dirigerais au séminaire pour les plus hautes études, le frère Charles ne s'était pas privé pour me donner des conseils avec la plus grande gentillesse.
Quelques années plus tard, à l'adolescence, et passant sur la rue de l'école avec deux copains, nous avions vu l'homme dans son jardin, à la résidence des frères. Il nous avait tous reconnus et nous avait servi des verres de limonade, en retour d'un peu de notre temps pour savoir ce que nous étions devenus. "Mario ? Et le séminaire ?" Déçu d'apprendre que je ne fréquentais plus ce lieu, mais heureux de savoir que j'avais trouvé ma voie dans la grande polyvalente de béton. Le frère Charles était un homme de bon coeur et j'ai tant aimé cette année en sa compagnie, que j'ai fait de cet enseignant un personnage qui apparaît dans mes romans Ce sera formidable et Le petit train du bonheur, si bien qu'une ex-maîtresse, à la retraite, l'a reconnu et s'est empressée de me rencontrer lors d'un salon du livre de Montréal pour me parler de lui.
Commentaires
Eh oui !
Comme quoi, l'habit ne fait pas le moine !