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Titre du blog : Mario Bergeron multicolore
Auteur : Mario3
Date de création : 21-12-2014
 
posté le 05-03-2016 à 05:45:56

Vieilir

 

 

Ma mère habite un foyer pour personnes âgées depuis huit années. Le même où mon père était, depuis 2005. Il y est décédé. Un endroit formidable, haut de gamme, ne répondant pas aux clichés de ces lieux. Les employées donnaient de l'amour aux pensionnaires. Il y avait des activités diverses, comme des danses, un pique-nique dans la cour, tant de choses. Sauf que depuis une année, une partie du personnel a été congédié et que les quatre unités d'habitations sont devenues spécialisées. Dans la foulée, maman a changé de chambre trois fois. Jusqu'à il y a une dizaine de jours, elle était dans une unité de personnes dites semi-autonomes. Un vrai dortoir! Alors que jadis on y croisait deux employées, à trois reprises dans la journée, il n'y avait alors plus personne qu'une infirmière pas très souriante et des femmes qui passaient de temps à autres, quinze ou vingt minutes. Ma mère a perdu cette autonomie et se sentait malheureuse dans le désert. On l'a donc changée de place une autre fois.

 

 

Vendredi, je me rends pour la première fois dans le nouveau logis. Je me trompe d'étage et sors inquiet. "Ils ne l'ont pas mise là-haut, tout de même..." Là-haut, ce sont les cas extrêmes.

 

 

Eh bien oui, elle est à cet étage. Contente de me voir. Par contre, ce que j'ai vu là m'a beaucoup touché. Habitué de croiser des femmes qui marchent, parlent, sourient, j'ai vu des muettes par la force des choses, des gens incapables de marcher, une femme menue incroyablement fragile. Dans ce décor presque cauchemardesque, il y avait un homme volubile, porté à rire. Il y avait aussi un infirmier, que je n'avais jamais vu. Un costaud ! Un pensionnaire a eu à son endroit une mélopée de gros mots, parce qu'il ne voulait pas se faire nettoyer. Contrairement aux autres unités, on compte plusieurs hommes, dont un qui marchait à très petits pas et un autre qui roulait beaucoup. Bref, tout ceci était très démoralisant. J'ai alors pensé que c'était impossible que ma mère soit parmi ces gens.

 

 

En sortant, j'ai croisé une employée qui m'a dit exactement la même chose. Elle m'a aussi fait remarquer que l'infirmier travaillait à cet étage pour tempérer les humeurs parfois violentes des pensionnaires masculins.

 

 

Je fréquente cette maison depuis 2005, chaque semaine. Je puis vous assurer qu'il y a déclin... J'ai vu toutes sortes de choses étranges, mais d'autres amusantes. J'ai constaté que la mort était tout le temps présente, entre autres dans le cas d'une femme que ma mère aimait beaucoup, d'un homme qui était très rigolo, d'une femme qui m'avait bouleversé, car elle ressemblait à un Z et que c'était une personne intelligente et articulée.

 

 

 

La photo : ma mère et le perroquet Délima, de la zoothérapie.

 

 

 

Ah, au cas où vous pensiez une telle chose : oui, j'ai écrit un roman inspiré de ce milieu, mais en me concentrant sur les aspects positifs. Il n'a pas été publié, refusé quelques fois. Sans doute parce que les éditeurs ou le public ne désirent pas voir la vie de gens très âgés et qui ont besoin de l'aide d'autrui en toutes circonstances.

 

Commentaires

MarioB le 05-03-2016 à 08:03:34
L'oiseau aime bien ma mère.
anaflore le 05-03-2016 à 08:01:01
pas facile de vieillir mais au moins c'est qu'on a vécu.....

jolie photo de sérénité