Type de roman imposé dans les cours de littérature lors de mon adolescence. S'il a emmerdé des camarades de classe, j'ai eu un coup de foudre qui ne s'est pas éteint. J'ai dû lire Trente arpents près d'une dizaine de fois, même si je n'ai acheté une copie qu'en 1996.
Trente arpents a été écrit par Ringuet, pseudonyme de Philippe Panneton, médecin et pharmacien de ma ville. Le roman a été publié une première fois en 1938... en France. Des romans paysans, les rares éditeurs québécois de l'époque les bénissaient, mais pas une fiction aussi noire et tragique que Trente Arpents, où le fier cultivateur, un temps puissant, termine ses jours comme veilleur de nuit dans une usine d'une ville de Nouvelle-Angleterre.
Ce que j'avais aimé et que j'aime encore est que Ringuet, dès 1938, avait une vision historique de l'évolution sociale du Québec qui n'apparaîtra dans nos livres d'Histoire qu'au cours des années 1970. Il n'y a pas de dates, dans le roman. Aucun lieu n'est nommé, si bien qu'en fouillant sur Internet, vous verrez que la terre du personnage Euchariste Moisan est située près de Montréal, dans les Laurentides, mais pas du tout dans ma région, alors que les clins d'oeils à Trois-Rivières nous laissent deviner que notre héros était établi sans doute dans l'arrière-pays rural de Louiseville, à une cinquantaine de kilomètres de chez moi.
Le personnage de Moisan est fidèle à lui-même, quitte à devenir anachronique, d'où sa déchéance dans un Québec traditionnel et agriculturiste (au début du roman) à une société urbaine. Euchariste demeure ancré dans ses valeurs et ses croyances, mais qui le mèneront vers sa perte.
Trente arpents demeure un roman fascinant et unique. Aux visiteurs de France (les seuls, d'ailleurs), Trente arpents est sans doute facile à trouver en Europe. Enfin, c'est superbement écrit, comme en fait foi l'extrait suivant :
L'hiver a tout enlisé de sa cendre fine. Les arbres font sentinelle, dressant sur tout ce blanc leurs fauves bras squelettiques avec, bien rangé, le pointillé des piquets de clôture presque disparus ; et parfois, une tache noire qui est un petit sapin têtu, comme une épave sur cette mort blanche, plane, illimitée, auprès de quoi la mer mobile et changeante et glauque est toute vie.
Commentaires
Je sais que beaucoup de gens lisent des volumes une seule fois. Ce n'est pas mon cas. Je retourne à un livre aimé à toutes les deux ou trois années.
Il y a parfois comme cela des livres que l'on a envie de relire souvent....