La période survolée dans ce dernier tome va de 1688 à 1701. Elle débute dans le sang, avec la vengeance des Iroquois suite aux conneries de Denonville, ayant incendié trois villages et brûlé des récoltes. Ce sera ce que les historiens ont nommé le "Massacre de Lachine", le raid le plus radical des peuples iroquois face aux Français et dont je vous reparlerai, à la fin de cet article.
La conséquence immédiate est que Denonville est démis de sa fonction de gouverneur par le roi, qui fait revenir Frontenac en Nouvelle-France. Heureuse décision ! Le but de Frontenac est la paix sur le territoire, non seulement avec les peuples iroquois, mais que ceux-ci fassent la paix avec les amérindiens alliés des Français. La manière d'y arriver : la guerre. Mais pas la guerre à grand déploiement, prouvée inutile sous Denonville et de La Barre. Frontenac fera la guerre aux iroquois... à l'iroquoise.
En même temps, il y a conflit entre la France et l'Angleterre, en Europe. Les colonies d'Amérique sont donc en guerre l'une contre l'autre. L'Iroquoisie est coincée entre les deux territoires. Nous avons vu que les cinq nations avaient signé des ententes avec les Anglais. Je précise ici que les colonies anglaises étaient indépendantes les unes des autres. Ce n'étaient pas des états unis, quoi ! La colonie ici en cause est celle de New York, pauvre en population et en soldats.
En réalité, ces gens se servent des Iroquois comme mercenaires. "Attaquez les Français!" claironnent-ils, sans pour cela prêter quelques soldats aux Amérindiens. Au fil de ces années, il y aura de la part de ces Anglais beaucoup de mensonges, de promesses non tenues et d'épouvantables attitudes de supériorité face aux "Sauvages". Entre autres, ils disent aux Iroquois : "Ne faites rien sans nous demander la permission." N'oublions pas que New York considère l'Iroquoisie comme faisant partie de son territoire et ses habitants comme des sujets anglais. Tout ceci finira par énormément agacer les cinq nations et mènera vers la paix avec les Français.
Revenons à Frontenac et à sa guerre à la façon iroquoise. L'embuscade de petits groupes, il n'y a rien de mieux ! Frontenac demande des soldats au roi, qui envoie ici des jeunes de 15-16 ans que le gouverneur n'utilisera presque pas. À la place : les Canadiens de souche, familiers avec la vie en forêt, avec la température, les cours d'eau. À ces Canadiens s'ajoutent les Amérindiens alliés, qui détestent les Iroquois. Frontenac propose un élément nouveau : l'appât du gain. En effet, pour chaque scalp iroquois rapporté à Québec, l'auteur du trophée reçoit une récompense.
Ça a fonctionné. En une dizaine d'années, les cinq peuples iroquois vont perdre la moitié de leurs guerriers. Les Agniers, si puissants et la terreur de la Nouvelle-France, seront les plus décimés. Précisons que pour les peuples iroquois, une guerre a une durée de six mois. Pas dix années.
En dernier lieu, les cinq nations en avaient ras-le-bol des mensonges des anglais, de leur attitude, puis des raids franco-alliés. Ils voulaient la paix, mais les Anglais leur disaient de ne pas y songer. Pour les Français, en conflit contre les Anglais, cela signifiaient être en guerre contre les alliés de ces derniers : les Iroquois. Les Français n'ont presque pas attaqué les bourgades de New York, alors que le roi désirait s'emparer de ce territoire.
Il ne faut pas se cacher que souvent, Frontenac a désobéi aux ordres de roi, entre autres quand un pacte de paix a été signé entre les deux pays ennemis en Europe. Frontenac n'en avait cure de ce qui se passait là-bas. Il poursuivait, pour atteindre son but. Malheureusement, il ne verra jamais le résultat : décès en 1698. Son successeur Callière, déjà son bras droit, allait respecter à la lettre la politique du grand homme.
L'objectif sera atteint en 1700 et une grande paix entre tous les peuples amérindiens sera signée l'année suivante, à Montréal, dans un déploiement de faste, avec autour de 1500 Amérindiens, vêtus de leurs plus belles parures, dans un climat sérieux, suivi de festins, de présents. L'Iroquoisie demeure un pays indépendant, mais la Nouvelle-France lui assure amitié et collaboration. De plus, en cas de conflit entre la France et l'Angleterre, l'Iroquosie restera neutre. Ce dernier point a pesé lourd dans la balance. En 2001, toujours à Montréal, l'anniversaire du 400e de la Grande Paix sera souligné.
Avant de passer à l'extrait à propos du Massacre de Lachine, je souligne que j'ai souvent croisé un fait que j'ai vu dans d'autres livres : plusieurs prisonniers français ne voulaient pas retourner en Nouvelle-France, persuadés que la vie parmi les Amérindiens était plus saine et juste. Il y a entre autres le cas d'un enfant pleurant à chaudes larmes parce que les Français l'ont réclamé, lors des cérémonies de la Grande paix. Le Massacre de Lachine, maintenant. Attention aux âmes sensibles...
L'armée iroquoise, forte de mille cinq cents guerriers (...) a descendu tout le fleuve dans le secret le plus absolu, sans donner l'alarme. Personne ne l'a vue ou repérée nulle part. Elle a navigué sur la rive droite (du fleuve Saint-Laurent), un peu au-dessus de la ville (Montréal) (...) Dans la nuit du 4 au 5 août, elle traverse le lac Saint-Louis au milieu d'un orage de pluie et de grêle. Elle arrive à Lachine, l'extrémité orientale de l'île. Puis, dans les ténèbres, elle se fragmente en une infinité de petits groupes qui se placent, chacun, tout près d'une maison (...) Le sommeil enveloppe toute la paroisse. Au signal donné, les Iroquois poussent leurs cris, leurs clameurs de guerre. Ils pénètrent dans les demeures et, en quelques minutes, c'est l'hécatombe sanglante (...) Les hommes d'abord sont mis à mort. Si les portes résistent, le feu enveloppe bientôt les maisons et ceux qui les habitent doivent en sortir pour tomber entre les mains des ennemis. Les plus heureux sont ceux qui sont abattus d'un coup de hache ou d'un coup de feu. Des enfants sont rôtis vivants, des femmes sont éventrées, empalées. Quatre-vingt-dix personnes sont brûlées. Plus de cent vingt prisonniers sont traînés en pays iroquois, pour le supplice par le feu.
Commentaires
Je ne sais trop. J'imagine, cependant, que la saga d'Iroquoisie ferait de très très bon films.
Une histoire sanguinaire qui est parfois retracée dans des films à grand spectacle du début des années 60....