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Hommage au stylo

Quand j'étais petit, les stylos n'étaient pas jetables. Quand il n'y avait plus d'encre, nous n'avions qu'à remplacer le machin par un plein. Si déjà je les utilisais à la maison, à l'école, c'était interdit. Les gentils écoliers devaient se servir d'un crayon à mine de plomb. Cependant, en septième année du primaire, on nous permettait le stylo. Progrès de courte durée, car en entrant au séminaire, l'année suivante, on nous ordonnait d'avoir recours à une plume et un pot d'encre.

Je n'avais jamais touché ça de ma vie! L'habitude de tenir fermement un stylo et de peser fort était incompatible avec ces antiquités. Quels gâchis! Cependant, ceci n'a pas duré longtemps. Quand je suis entré à l'école publique, c'était le stylo qui devenait enfin roi. Voilà donc un peu plus de cinq décennies que le stylo et moi nous nous aimons. Mes romans sont tous écrits à la main. Pas à l'informatique ? Non, car si je ronge avec joie mes Bic, je n'ai jamais mordu mon clavier d'ordinateur.

Au tout début de 2000, je participe, avec d'autres auteurs de la région, à un collectif du titre Premiers mots de l'an 2000. Il s'agissait d'écrire un texte sur un parchemin, avec plume et encre. Le tout serait exposé dans les bibliothèques du coin et ces créations seraient publiées par l'éditeur Les Glanures, qui en profitera pour fermer ses portes quelques mois plus tard. Le livre le plus rare auquel j'ai participé. Pas du tout apprécié de retrouver le cauchemar dégoulinant de mes sombres jours de séminariste.

Je vais terminer par une anecdote véritable, qui s'est déroulée fin septembre 2000, au salon du livre de Jonquière. C'était un samedi. Je devais laisser mon siège à un autre auteur et j'ai tout de suite filé au petit centre commercial adjacent, pour commander un café et me mettre à écrire le roman qui deviendra Les secrets bien gardés. La scène que je devais écrire était un accouchement, au 17e siècle, en Nouvelle-France.

Voilà que je me mets à l'oeuvre quand soudain : plus d'encre dans le stylo! Pire que tout : pas de remplaçant dans mon sac. Alors, je regarde autour de moi, aperçois un confrère, lui demande s'il pouvait me prêter un stylo. Ouf... J'ai pu terminer mon accouchement. Je lui ai remis son objet en disant : "Merci au nom de la mère et de l'enfant."