Au cours de mon enfance, j’avais une maman, un papa et un magasin. La première me donnait parfois de l’affection, le second n’a jamais joué avec moi et le trosième a été le cauchemar de mes premiers pas dans la vie. Oh, pas que je désire ici condamner les efforts de réussite de mon père. Il a travaillé fort pour y arriver. D’ailleurs, il ne faisait que cela, puis regardait la télé. C’était un commerce de vente de peinture, né en 1960 et qui, d’un petit local, allait se rallonger sans cesse dans tous les sens, coupant ma cour de jeux en deux sections.
Nous habitions au second étage et un long escalier reliait le foyer au magasin. Chez moi, il y avait deux téléphones : l’un pour la maison privée et un double du magasin. Il y avait aussi un intercom qui se faisait entendre souvent pour demander à ma mère de descendre au magasin rempli de clients. Bref, nous dînions et soupions rarement en famille. Pendant les repas, un signal se faisait entendre quand un client poussait la porte du commerce, et mon père, ou ma mère, cessait de manger pour descendre servir cette personne. Maman y travaillait, sans salaire, en plus de s’occuper de la maisonnée, de trois adolescents et de l’enfant que j’étais. Je vivais sans cesse avec les bruits du commerce, si bien que j’avais l’impression de ne pas avoir de vrai foyer, comme ceux de mes amis.
L’anecdote la plus odieuse à propos du magasin : la maison familiale était en fait un échantillon des produits de peinture. Très souvent, mon père montait avec des clients pour qu’ils touchent la finition de telle catégorie de peinture. Je jouais dans mon coin et je pouvais voir surgir des étrangers, dont la plupart me semblaient mal à l’aise. Je me souviens qu’il était entré dans ma chambre alors que j’étais encore au lit. Dans un film français des années 1980, j’avais vu le comédien Richard Bohringer faire la même chose. Cette habitude insupportable a perduré jusque dans les années 1970. J’avais une horreur enracinée de cette manie.
Le magasin m’a permis de travailler. Mon père nous faisait distribuer, à mes amis et à moi, des circulaires de démonstration de teintes. C’étaient des paquets de cent et mon père nous donnait vingt-cinq sous par unité écoulée. Mal payé, je crois bien! Nous parcourions des rues entières pour laisser ces trucs dans les boîtes aux lettres. C’était un jeu, mais nous en revenions très exténués. Je garde un curieux bon souvenir de cette activité, car elle me permettait de voir ce qui se passait ailleurs. Je rencontrais d’autres jeunes, des gens divers et… des chiens qui n’aimaient pas les petits distributeurs de circulaires!
Il y avait, au sous-sol, un réservoir de varsol. Mon père allait chercher des bouteilles vides dans un hôpital – certaines avec des gouttes de sang! – et je les remplissais, ce qui m’irritait les mains au moindre débordement. Je me souviens des étirements sur la peau de mes mains quand je terminais une séance. J’ai passé des heures et des heures devant ce réservoir, même si ça me donnait le goût de vomir.
Le seul souvenir amusant que j’ai de ce commerce est un tableau d’un nu féminin qui avait été censuré par le prêtre de la paroisse. Les seins du modèle étaient pudiquement recouverts d’un papier brun que les clients aimaient bien soulever pour regarder « ces seins que vous ne sauriez voir. »
Mon frère Daniel s’est impliqué très jeune dans le commerce, si bien que le lieu est devenu « Martin Bergeron et fils ». Pour le meilleur et pour le pire, Daniel se portera plus tard acquéreur du commerce et de ses succursales. Dès ce moment, il y a eu modernisation de l’approche. Ma mère a cessé d’y travailler et mon frère n’aimait guère quand papa descendait pour aider, avec des méthodes parfois criardes. La meilleure initiative de mon frère : il a fermé le réservoir de varsol.
Au début de l’adolescence, j’y passais mes vacances scolaires, dans l’entrepôt. Je détestais ça, mais cela m’apportait de l’argent de poche bienvenu pour acheter des disques. La photo ci-haut date de ce moment (Beau gosse, n’est-ce pas?)
Ah! j’oubliais : à la petite école, des garçons me surnommaient « Bocal de peinture ». Je voulais les égorger.
Il y a un second article sur ce sujet. Tout juste en bas de celui-ci.
Commentaires
Merci.
Les démons qui se réveillent, ils vont se rendormir, va ...
Le petite voiture, que je voulais dire. Pffff...
Peut-être que je n'aurais jamais dû écrire tout ça. Pensées trop personnelles sans doute et qui remuent des démons.
La petite peinture servait à la livraison. C'était au cours de l'ouverture des succursales et elle est devenue trop petite pour acheminer le matériel vers ces lieux.
La peinture n'a pas encore séchée ? Après "Fils" il manque Mario....
Il faut bien que jeunesse se passe ! Mais, bon, il y a, c'est sûr, de plus agréables occasions de la vivre ! Ton père ne te manifestait aucun geste d'affection, mais, il n'avait pas le temps, peut-être, sans doute même, t'aimait-il quand même ... Florentin
Ah non, pas du tout...
Je devais avoir 15 ans, sur cette photo, en route pour ma coiffure Led Zeppelin.
De l' humour tes copains d' école
là les cheveux sont plus longs !....