Voici un extrait de circonstance de mon roman Contes d'asphalte, publié en 2001. Mon pesonnage. le petit Martin, plein d'imagination, s'apprête à vivre la parade du père No, organisée par le grand magasin à rayons Fortin. Je souligne que les éléments de la parade sont réels. Je les avais croisés dans un article du journal local, décrivant l'événement. Martin a alors six ans et nous sommes en 1955.
Je vous invite à visiter mon site sur mes romans, où il y a des extraits, des secrets de leur création, de leur publication, etc. J'avais une femme qui me visitait, d'une autre plate-forme, mais maintenant, il n'y a plus personne. C'est très démoralisant...
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Afin de fêter son arrivée chez Fortin, le père Noël se prête de bonne grâce à une parade dans les rues de Trois-Rivières. Pour l’occasion, les fanfares mastiquent leurs trompettes, les majorettes aiguisent leurs bâtons et des tas d’adultes se déguisent pour faire croire qu’ils sont Roy Rogers ou Mickey la souris. Cette année, on nous promet Davy Croquette, ce qui excite beaucoup mon frère. Tout le monde sait que le vrai Davy Croquette habite à Hollywood et que celui que nous verrons à la parade n’est qu’un faux, déguisé comme le vrai, mais Marcel est content à l’idée de voir le véritable Davy Croquette. Ah! la tendresse de l’enfance… Cette année, nous irons à la parade avec grand-père Roméo, avec ma tante Patate et ses enfants Robert et Johanne. C’est d’ailleurs à leur maison que nous nous rendons, avant de cueillir grand-père chez lui. Ma cousine Johanne se sent nerveuse à l’idée de voir le père Noël, se remémorant avec nostalgie la parade de l’an dernier.
« Et puis, là là, il y avait un chevreuil avec un nez rouge, là là, et puis un bonhomme de neige vivant, là là.
- Ce n’est pas un chevreuil. C’est un renne.
- Ze te dis que c’était un vrai chevreuil, là là ! Et puis, là là, après, le père Noël est arrivé ! Et puis, il m’a salué en disant Oh ! oh ! oh ! la belle petite Zohanne ! Et puis, là là, quand ze l’ai vu chez Fortin, il se souvenait encore de moi, là là.
- Le père Noël connaît tous les enfants, Johanne.
- Et puis, là là, après, il a lancé des sacs de bonbons et z’en ai attrapé deux, là là ! Il y avait des zuzubes zaunes dans le sac, là là ! Z’étais contente ! »
J’ai l’air un peu calme, en comparaison avec Johanne et Robert, mais en réalité, je me sens nerveux. Je sais contrôler mes émotions. L’habitude fait qu’avec le temps, on peut se donner un peu de contenance, même face aux grands événements de l’histoire de Trois-Rivières.
Le père Noël est l’homme le plus important du monde. Il est aussi très savant, connaissant toutes les langues, se souvenant des noms de chaque enfant et pouvant fabriquer tous les jouets inimaginables. Bien sûr, ces jouets, on peut les voir sur les rayons des magasins, mais ceux-ci les commandent du grand atelier du père Noël, au pôle Nord. Quand les enfants sont sages, comme moi, le père Noël apporte ce qu’on lui demande. Quand ils sont turbulents, comme Gladu, il donne quand même des jouets, mais pas ceux voulus. À tout coup, ça fonctionne. Les autres années, j’ai fait des demandes raisonnables au père Noël et il a satisfait mes exigences. Un vrai professionnel, ce père Noël. Cette année, maintenant que je sais écrire, je lui ai envoyé une lettre et comme j’irai quand même le voir dans son royaume des jouets de chez Fortin, je vais lui demander exactement la même chose que dans ma lettre. Ainsi, il n’y aura pas de risque d’erreur.
Les erreurs peuvent se produire, même chez le père Noël. Par exemple, l’an dernier, Junior avait demandé un gant de baseball et il s’est retrouvé avec un bâton de hockey. Le père Noël s’était trompé de sport. Avec toutes ces lettres, on doit faire preuve d’un peu de compréhension si le père Noël commet une petite erreur. Cette année, je lui demande une station-service à deux étages, avec un ascenseur, deux pompes à essence et des grandes vitrines. Je lui ai fait une description détaillée en me basant sur une photographie prise dans un grand catalogue. En plus de cette station-service, je lui demande la paix sur la Terre. Le père Noël adore quand on demande la paix sur la Terre. C’est un grand sentimental.
« Moi, là là, ze vais lui demander de la vaisselle, celle qui est bleue, là là, avec des fleurs rouges dedans, là là.
- C’est très bien, Johanne.
- Puis en plus, là là, ze vais lui demander du linge pour mes poupées, et puis, là là, un fer à repasser, puis après, là là, ze vais lui demander une toupie rouge qui…
- Johanne ! Tu demandes un seul cadeau au père Noël ! Le supplément, tes parents vont l’acheter.
- C’est vrai, ça ?
- Oui.
- Oh là là… »
Il y a une belle neige fine tombant sur ma ville. Une température idéale pour accueillir notre ami vêtu en rouge. Voici les majorettes, en vert et blanc, suivies d’un char avec des gros bonshommes de neige entourés de ballons multicolores. Voilà Goglu le bouffon, avec des cannes sucrées géantes sur son char, puis des policiers à gros nez, Fifine la girafe et une immense poupée Chérie avec sa robe orangée. Après les brigadiers d’école, voici le lapin Serpolet et enfin Davy Croquette – Marcel passe près de s’évanouir – puis Peter Pan, un bouffon en habit bariolé et les cadets de Shawinigan. Voilà Patapouf ! Avec Porcinet le cochon, le Petit Poucet (avec ses bottes des sept milles), Simplet, Mickey la souris, Bambi et d’autres brigadiers. Il y a aussi la philharmonie de l’école de La Salle qui joue de la belle musique de fanfare. Voici une autre girafe – elles sont très à la mode, cette année – puis un char avec une princesse et son château. Bonjour, Jumbo l’éléphant ! Et, enfin, le père Noël ! Johanne crie en sautillant, alors que grand-papa Roméo grimpe Marcel sur ses épaules.
« Oh ! oh ! oh ! » dit-il. Le père Noël s’exprime ainsi quand il se sent content. Il nous envoie la main en riant de plus en plus. Il me semble en pleine forme ! Ses belles joues rouges, sa longue barbe, son nez rond, ses petits yeux. Dans ma lettre, je lui ai demandé de prendre soin de sa santé, car selon maman, lorsqu’on est corpulent, il y a du danger pour une crise du cœur. Autour de lui, des lutins pigent des sacs de bonbons dans des grosses poches et les lancent aux enfants sages. Je tends les mains ! En vain ! Je n’attrape rien ! Je cours au devant, puis aperçois un sac par terre. Vite, je m’y précipite ! Mais un pied l’écrase et une main le ramasse.
« Gladu ! Qu’est-ce que tu fais là ? C’est mon sac de bonbons ! Je l’ai vu avant toi !
- Non, espèce de Comeau crotte de cheval.
- T’as pas affaire ici ! C’est une parade pour les enfants sages ! - T’es donc niaiseux, Comeau ! Tu crois encore à ces affaires-là ? Le père Noël, c’est pour les bébés, mais les bonbons, c’est pour moi ! Débarrasse le plancher, plein de crottes de gorille ! »
Comment le père Noël peut-il tolérer un tel énergumène pendant sa parade ? Maudit Gladu sale. Oh, je sais bien que le père Noël aime tous les enfants, mais Gladu est un monstre. Pas la même chose ! Essayant de retrouver mes parents et grand-papa Roméo, je croise Daniel avec son père. Il en a long à dire sur la parade. Nous nous retrouverons ce soir chez lui pour échanger nos impressions en compagnie de Junior et de Richard. Près du magasin Fortin, le père Noël offre un dernier discours, rappelant aux enfants la nécessité de demeurer sages s’ils veulent obtenir la bonne livraison le soir du 25 décembre. Tu parles que je le sais ! Mais je suis toujours sage ! C’est si simple avec le père Noël : tu es sage et hop ! tu as un cadeau ! Et voilà ! Le tour est joué !
« Puis ? Tu as aimé la parade, Martin ? C’était joli ?
- C’était le plus beau jour de ma vie, grand-père.
- Je dirai au père Noël que tu as été content de sa parade.
- Tu le connais personnellement ?
- Oui, très bien.
- Est-ce que tu lui écris des lettres ?
- Bien sûr. Au nom de mes petits-enfants qui ne savent pas encore écrire, comme Johanne. »
Grand-père Roméo prend la cousine Johanne dans ses bras. Elle paraît très émue par le moment fantastique qu’elle vient de vivre. Pour fêter la fin de la parade, grand-papa nous invite tous à manger des frites au Petit Train. Mon oncle Maurice est content de nous voir dans son restaurant et il sourit en nous entendant parler. Ses propres enfants ne croient plus au père Noël. Une déchéance humaine ! Grand-père Roméo, lui, croit toujours au père Noël. Comment pourrait-il en être autrement ? Nous venons de le voir, non ?
Le père Noël, comme toutes les grandes vedettes, doit répondre à sa popularité en signifiant sa présence sous toutes sortes de formes. Ainsi a-t-il tourné un film à Hollywood où la petite fille de la responsable d’un grand magasin ne croit pas en lui et, à la fin, il y a un monsieur juge qui prouve que le père Noël existe et la fillette a comme cadeau la maison qu’elle avait demandée. Le père Noël a aussi enregistré des disques et on peut voir sa photographie partout. Au Petit Train, il y a un beau dessin de lui avec une bouteille de Coca-Cola entre les mains. Au mois de janvier, si mon oncle Maurice ne garde pas cette œuvre d’art, je la lui demanderai comme souvenir. On peut aussi voir ses photographies dans toutes les vitrines des magasins de la rue des Forges. Il y a aussi beaucoup de dessins de lui sur les cartes de Noël. Il y a juste à l’école où on semble le mépriser. À la place, ils parlent du petit Jésus. C’est certain que Jésus aussi est important, surtout à la messe de Noël. Mais Jésus ne descend pas dans les cheminées, lui ! Avec la grosseur du père Noël, c’est un miracle beaucoup plus important que de changer de l’eau en bière d’épinette.
Commentaires
Il semble que peu de gens aient lu...
J adore !
C'est un pro !
Je me demande pourquoi le Père Noël n'attrape jamais de burn-out. En attendant, je te souhaite de belles et joyeuses fêtes. Florentin
J'ai déjà pensé écrire une douzaine d'histoires de Noel à différentes époques, mais je ne suis pas certain qu'un éditeur accepterait un livre appelé à se vendre 1 mois par année.
Un livre à relire ce soir avant le passage du Père Noël....Bonne fêtes de fin d'année...