Depuis six années, je me nourris, en grande partie, de ce que les autres ne veulent pas, aux comptoirs d'aide alimentaire. Je n'ai guère le choix, car tout ce qui se trouve dans les supermarchés a augmenté, ainsi que divers aspects de mon quotidien (Le transport en commun, par exemple), alors que mon chèque mensuel de dernier recours est à peu près demeuré le même.
La décision d'avoir recours à ces gens est initialement embarassante, gênante, mais ce sentiment ne dure pas longtemps. J'y ai droit, alors pourquoi s'en priver?
Il y a eu deux lieux. D'abord, l'Armée du Salut, à dix minutes de marche de chez moi, cela pendant les trois premières années. Puis ces gens devaient déménager loin et, de plus, il y a eu un sérieux bris de plomberie dans leur local et ils ont fermé plus tôt que prévu. Je me suis tourné vers le Bon Citoyen, beaucoup plus loin de ma maison et je dois m'y rendre en autobus : six dollars et soixante sous. De plus, il faut ajouter trois dollars pour leurs frais. Presque dix au total et il y a des semaines où je n'ai pas cette somme.
Si je dois faire une comparaison, l'Armée du Salut gagne la palme. La photo ci-haut : le Bon Citoyen. Le local de distribution est éloigné du trottoir, à droite.
ACCUEIL
L'Armée du Salut avait un grand local, avec des chaises. En attendant notre tour - toujours en peu de temps - ils nous offraient du café, du jus, des bonbons pour les enfants présents. Au Bon Citoyen, pour l'inscription, il faut faire la queue. Le moment de la distribution, il faut attendre dans un couloir étroit, au bout duquel il y a une chaîne pour nous empêcher de passer. Je déteste cette étape, que je trouve méprisante.
DISTRIBUTION
À l'Armée : on donnait nos deux (parfois trois) sacs et les bénévoles les faisaient déborder. On ne savait jamais ce qu'ils contenaient. Enfin chez soi, cela devenait un sac plein de surprises, comme cette fois où il y avait vingt tomates! Au Citoyen, nous sommes guidés par les bénévoles où nous avons un choix sur deux. Par exemple : carottes ou navets ?
BÉNÉVOLES
Il y avait peu de bénévoles à Salut, mais une su-per-be africaine dont la splendeur me faisait rougir. À l'arrière : deux ou trois personnes pour remplir les sacs. Au Citoyen : plusieurs bénévoles, mais ils changent souvent. Dernièrement, il y avait une jeune musulmane, contente d'être là. Dans les deux cas, ce sont des chrétiens, heureux de ce bénévolat pour aider les pauvres. Pas à me plaindre : tous ces gens sont polis et aimables.
LA BOUFFE
C'était plus varié à Armée. Citoyen a tendance à répéter les mêmes aliments de semaine en semaine, si bien qu'à l'occasion, je suis obligé de dire "Non, il m'en reste dans mes armoires." Cette nourriture provient des supermarchés, peut-être de restaurants. Très souvent, ce sont des fins d'étape. Vous savez... "Meilleur avant cette date." Pas de panique, je ne me suis jamais empoisonné avec des passés dates (Le cas du Yogourt, par exemple). Il y a aussi des conserves ayant perdu leurs étiquettes, puis, je l'ai noté, des produits avec les explications unilingues anglaises. C'est interdit, au Québec. Le seul aliment quelque peu à risques : les pains. Parfois, après quelques jours, ils changent de coloris. Le reste ? Aucun problème. Les bananes ont souvent perdu leur lustre jaune, mais on peut les manger sans danger. Je souligne qu'ils ne distribuent que de la nourriture : pas de produits nettoyants.
Tout ça me donne un sérieux coup de pouce, bien qu'il y ait des aliments jamais donnés et que je dois acheter au supermarché : du café, par exemple, ou la bouffe pour le chat. Je n'ai pas honte d'avoir recours à l'aide alimentaire. Je suis habitué, même si je m'ennuie de la chaleur présente à l'Armée du Salut. Tout ça est une leçon de vie, d'humanisme. Est-ce que je me suis servi de ceci dans mes romans ? Oui ! Dans Les Baveux.
À SUIVRE
Jeudi, je dois m'y rendre. Je vous promets de vous nommer tout ce que mes sacs contenaient.
Commentaires
que dire d'autre de ce qui a été dit par les commentaires bravo pour la photo du jour j attend la suite
Merci pour cette unanimité.
L'effet le plus curieux que me procure le Bon Citoyen est le local (avec les éléments blancs dans les fenêtres) est un ancien restau de beignets et quand je travaillais au cours des années 80, j'y arrêtais chaque soir pour ma pause-café, entre deux autobus.
Il y a des éléments de l'ancien lieu qui subsistent, mais c'est très défraichi. Je ne peux m'empêcher de penser à ce joli comptoir qui était alors neuf et qui est devenu le lieu des fauchés.
Même le Robot a décider d'attendre la suite en te mettant à l'affiche....Heureusement que ces centres existent car aujourd'hui personne n'est à l'abri des aléas de cette société qui broient les plus fragiles d'entre-nous....
J'aime ton récit cela montre les difficultés que parfois nous sommes obligés d'accepter. L'aide alimentaire est une bonne chose pour les moins chanceux, en France il y en a beaucoup surtout depuis l'arrivée massive des migrants. Les bénévoles sont nombreux pour l'organisation de ces centres. J'attends la suite pour connaître le contenu de ton "panier" alimentaire...
aujourd'hui
Salut Mario,
Effectivement, le fait d'aller aux banques alimentaires ne doit pas être une démarche facile, surtout quand on y va la 1ère fois.
Maintenant, heureusement que cela existe, car on ne peut rien prédire, on peut tous en avoir recours un jour ou l'autre.
... j'attends la suite.
A+
Gégédu28
PS: , ta photo a été sélectionnée comme Photo du Jour !