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Titre du blog : Mario Bergeron multicolore
Auteur : Mario3
Date de création : 21-12-2014
 
posté le 22-01-2019 à 18:44:46

Université : la microthèque

 

 

La plus importante découverte faite à l'Université fut la microthèque, petit secteur de la bibliothèque où sont entreposées des bobines de microfilms contenant des milliers de journaux de jadis, dont tous ceux de Trois-Rivières. J'avais déjà croisé ceci aux archives du séminaire Saint-Joseph, mais ce qui était présent à l'UQTR était davantage imposant.

 

Un microfilm est une bobine contenant les photographies de chaque page d'un journal. Il s'agit bel et bien d'une bobine de film. Nous pouvions regarder en se servant d'un appareil avec écran, puis photocopier les pages nous intéressant. Je sais que les dernières années, ils projetaient de tout transférer en format informatique, ce qui représentait un travail de titan.

 

En premier lieu, c'était un loisir pendant mes pauses mais, rapidement, ceci est devenu une folle passion. Mon premier but a été de photocopier des pubs des salles de cinéma de Trois-Rivières, pour une collection, ne sachant pas que je préparais ainsi mon mémoire de maîtrise. Je regardais surtout ce qui était du monde du spectacle, mais, peu à peu, je croquais dans tout, puis je prenais des notes à n'en plus finir. Pourquoi ?

 

À ce moment, j'avais commencé la rédaction d'un roman qui deviendra une étape de la série Tremblay, six romans parcourant la vie trifluvienne et québécoise par la voie d'un homme qui sera centenaire.

 

Or, ce que je trouvais dans ces journaux anciens deviendra le nerf de cette série romanesque. Particulièrement dans les cas des romans Perles et chapelet, L'Héritage de Jeanne et Ce sera formidable.

 

Dans Perles, le plan de rédaction a été établi suite à tout ce que j'ai pu trouver relatif à la grande dépression. D'ailleurs, je séparais les chapitres avec des extraits d'articles. Dans Héritage, mes personnages féminins sont dingues de cinéma. Or, quand je nomme un film, dans le roman, c'est qu'il a été réellement à l'affiche d'une salle au moment où je le cite. Dans Formidable, mon personnage Joseph est admirateur de modernité. J'ai donc pris en note tout ce qui était neuf, que ce soit l'ouverture d'un commerce, d'une manufacture, d'un essai de lumière électrique à Trois-Rivières.

 

Ceci apportait aux romans une rigueur historique ancrée dans la vie de tous les jours. Sans la microthèque, je... oui, j'aurais écrit ces histoires, mais elles n'auraient jamais été autant précises et, humblement, riches.

 

Quand mes cours de la journée étaient terminés, je filais à la microthèque pour regarder, prendre des notes. Tous les jours et même la fin de semaine. Chemin faisant, je suis devenu familier avec l'univers journalistique de jadis. Croyez-moi, un journal de 1870, c'était très différent d'un autre de 1940.

 

Les six romans publiés entre 1998 et 2004 portent beaucoup la marque de mon passage à l'université, car, en plus de la microthèque, j'ai appris à mieux lire puis à me diriger facilement vers les bouquins qui pourraient aider la cause de mes romans.

 

Bref, j'étudiais, j'écrivais sans cesse des romans et je suis devenu un meuble de la microthèque.

 

L'Université n'a pas fait un prof de ma personne, mais un romancier, qui est ma raison de vivre depuis 1993.

Voici un extrait de Ce sera formdable, qui n'aurait pas pu exister sans mes fouilles de journaux de la microthèque.

 

 

J’en ai assez d’entendre tout le monde s’en prendre aux poteaux et ne pas se rendre compte de la grandeur de ce qui se passe! Chaque jour, je vais voir les hommes installer les fils de l’électricité au sommet de ces objets. Il y en a plusieurs dans la rue Notre-Dame, avec des raccordements vers la manufacture Gélinas et l’hôtel Cloutier. Ils n’ont pas peur d’exploser, eux! Il est vrai que, si l’on en croit la rumeur, monsieur Cloutier aurait signé un contrat d’assurance avec une réputée compagnie…         


Quoi qu’il en soit, le grand jour du samedi, 20 avril 1889, date dont on se souviendra les dix prochaines générations, je suis présent, endimanché, à l’image de la plus grande partie de la population. Nous attendons le coucher du soleil. Le maire et ses conseillers s’agitent sur place, anxieux, entourés des représentants du géant Edison. Et soudain!  Oooooh! Une clarté in-cro-ya-ble! Si nette et franche! Tout le monde applaudit et s’exclame avec joie. J’ai les larmes aux yeux, mais Marguerite cache les siens.        



« Ça m’éblouit, Joseph! J’ai mal!        

- Parce que tu n’es pas habituée. Enlève ta main et tes yeux vont s’adapter après deux minutes.        

- Je suis certaine que c’est dangereux! Je veux retourner chez nous!         

- Regarde les fenêtres de l’hôtel. Claires comme en plein jour! Un miracle, Petite Fleur! Un instant féérique de la modernisation, un moment qui…         

-  Je veux m’en aller à la maison! Tout de suite! »

 

 

Passé le nord de la rue des Champs, il faut allumer le fanal pour bien se guider dans le chemin qui mène vers les ponts. Encore plus noir au Cap-de-la-Madeleine! Pour une rare fois qu’il n’y a pas de chaperon entre nous, je pourrais profiter de l’occasion pour tenter d’obtenir un baiser ou prendre ses mains, mais Marguerite presse le pas. Je vois la faible lueur d’une chandelle éclairer une fenêtre de sa maison. Madame Turgeon veille avec cinq ou sept de ses enfants. Petite Fleur s’empresse de leur raconter comme la lumière de l’électricité attaque violemment les yeux. Une demi-heure plus tard, la mèche de mon fanal s’éteint et je marche à tâtons pour rejoindre les ponts, priant pour ne pas croiser un putois. La rue Notre-Dame a retrouvé la terne luminosité des lampadaires au gaz. Des badauds flânent et parlent du grand moment qu’ils ont vécu. Je me mêle à eux et tout le monde s’accorde pour affirmer que la lumière électrique paraît mille fois plus belle que l’autre.

 

 

 

 

 

Commentaires

MarioMusique le 23-01-2019 à 21:02:45
Oui, beaucoup. La biblio de l'UQTR était imposante en documents et services de toutes sortes.
jakin le 23-01-2019 à 19:21:22
Il y a souvent des trésors dans ces microthèques, médiathèques ou tout simplement bibliothèques...
Marioromans le 23-01-2019 à 17:57:49
Florentin, les historiens d'aujourd'hui craignent beaucoup l'informatique, qui a tendance à faire disparaître des documents pour les gens du futur.


Exemple : mes journaux de microfilms ont à l'origine été conservés sur papier, avant d'être photographiés. Mais si ces journaux décident de tout conserver via internet, instrument utile pour la minute présente, mais qui a tendance à éliminer des sources dix années plus tard.
Florentin le 23-01-2019 à 17:38:39
Fiat lux ! Et la lumière fut ! Nous avons la chance de d'avoir vécu en des temps où il y a eu une explosion de découvertes et d'avancés technologiques. J'ai écouté le match Cerdan-Lamotta l'oreille collée à la TSF qui crachait tant qu'elle pouvait. Aujourd'hui, on nous le montrerait à la télé en détails et ralentis. Un monde entre hier et aujourd'hui ! Florentin