J'ai obtenu mon diplôme d'enseignant en 1996 et malgré le doute vécu lors de mes stages, j'ai lancé aux quatre coins du Québec des demandes d'emploi. La plupart des commissions scolaires ne me répondaient pas. Celles qui le faisaient envoyaient des lettres sans aucun doute pareilles aux quarante diplômés précédents.
Une chose qu'on nous disait lors de nos études : nous étions au coeur d'un bon moment, car beaucoup de profs allaient prendre leur retraite bientôt. D'accord, sauf que voici ce qu'ils ne nous disaient pas : les diplômés des dix années précédentes attendaient encore. Ceci m'a été confirmé par un homme de la commission scolaire de ma ville, qui m'a montré la liste de suppléance en histoire : il y avait une vingtaine de gars et de filles avant que mon nom ne soit ajouté.
La majorité des gens côtoyés lors de mes études n'ont jamais travaillé comme professeurs. L'amie Nicole l'a fait pendant une année, mais chez les Inuits, dans le Grand-Nord.
Pendant ces démarches. je n'ai eu d'autre choix que de m'inscrire à l'aide de dernier recours, n'ayant plus droit aux prêts et bourses. Soit dit en passant, ce dernier budget n'est pas énorme, mais tout de même supérieur à l'autre.
Fatigué de cette situation, je suis retourné à l'UQTR en 1997, afin de toucher cet argent. Je me suis inscrit au bacc en histoire. J'ai fait créditer les cours de cette sphère réussis entre 1993 et 1996, plus quelques optionnels et j'avais ainsi la moitié du parcours de terminé, sans avoir poussé la porte d'entrée de l'UQTR.
Mais ceci n'a pas duré une session, car il y a eu une étonnante surprise.
Un des cours concernait l'histoire et la culture. Comme travail de session, j'ai décidé de raconter la saga de la salle de cinéma Le Palace, de Trois-Rivières, lors de sa courte existence : deux années réparties entre 1930 et 1932. Ce lieu était très différent des quatre autres cinés : une salle ne dépendant pas du géant distributeur Famous Players. Le Palace devait se contenter des miettes cinématographiques, mais proposait ce qu'on ne voyait pas ailleurs et présent sur des publicités locales : il y avait du vaudeville, des concours d'amateurs, puis des tirages, dont plusieurs avec de la bouffe. Au-dessus de tout ça : un personnage singulier en la personne du gérant Alexandre Sylvio. Je me suis donc concentré sur l'aspect très populo du Palace, salle située dans un quartier ouvrier, fauché par le début de la grande dépression.
De retour à la microthèque, j'ai tout pris en note, de A à Z, afin de rédiger ce travail. D'ailleurs, je n'ai pas conservé mes travaux universitaires, sauf celui-ci. Le tout deviendra un roman, un peu plus tard : Le roi des cadeaux (surnom que se donnait Sylvio).
Mon prof a été jeté par terre en voyant le résultat et, sans m'en parler, a prêté le tout au grand directeur du département d'Histoire. L'homme m'a convoqué à son bureau. "Ne perds pas ton temps au bacc. Incris-toi tout de suite à la maîtrise. Ce que t'as fait là, c'est déjà en grande partie un mémoire de maîtrise." Je lui ai répondu que je n'avais pas les prérequis. "Ne pense pas à ça. Je m'en occupe."
Bref, je me suis inscrit à la maîtrise sans montrer les notes obligatoires pour ce faire. On appelle ça avoir un passe-droit opportun. Dès cet instant, j'ai oublié l'idée de devenir prof et j'ai décidé de me rendre jusqu'au doctorat.
Il valait mille fois mieux demeurer à l'université, submergé par ma passion pour l'histoire et pouvant vivre plus confortablement avec mes prêts et bourses.
Pour un extrait du roman Les rois des cadeaux, cliquez sur ce lien :
http://marioromans.vefblog.net/18.html#Le_roi_des_cadeaux__secrets
Commentaires
Le grand directeur du département, René Hardy, m'avait en affection car je n'abordais que des sujets relatifs à la ville et à la région, ce qui était sa propre spécialité.
Un parcours atypique mais conduit par une passion...donc très honorable.....
J'aimais mieux vivre de cette façon que de tenir un emploi.
Il y aura cependant un divorce entre l'UQTR et moi. La suite bientôt.
A mon retour d'Angleterre j'aurai pu faire le concours d'entrée à la fac de langues, obtenir une bourse… pour les études, pas pour la vie de tous les jours…
L'ai pas fait !