Mot de la présidente
La mort est formidable! À l’instant même, s’il y a souffrance, elle s’évapore dans une douce lumière blanche et ce qui subsiste en nous de vie s’endort paisiblement. Seul l’esprit demeure, voguant dans un long couloir menant vers l’infinité. Il y a des choses que les humains croient et qui sont vraies, alors que d’autres sont tout à fait fausses. Vrai : la vie éternelle. Faux : le ciel. Parlons, dans ce dernier cas, d’un au-delà sans nuages ni planètes ou quoi que ce soit relatif à la vie terrestre. Les esprits y flottent librement, avec bonheur, se saluant : « Bonjour! Belle Éternité aujourd’hui, n’est-ce pas? »
Ce qu’il y a de profondément faux : les religions. Pas de Bouddha, d’Allah, de Grand Manitou ni de Dieu ou que ce soit inventé par des humains. Ce que nous, catholiques du Québec, avons désigné comme Dieu est en réalité un couple : Roger et Annette. Ils ont créé la Terre, les planètes et tant de choses ignorées par les humains. Oui mais, il devait y avoir un début, non? Roger hausse les épaules : « ‘Sais pas! » alors qu’Annette, rieuse, ajoute : « Sans doute, mais ce n’est pas de nos oignons. » Comme ils sont divinement sympathiques!
Bien sûr, le duo peut compter sur des dizaines d’assistants, pour ceci et cela. Il y a tant à faire dans l’éternité et à deux, ils n’y arriveraient pas. Par exemple, une variante de ce que les humains croient à l’effet que saint Pierre nous attend à la porte du Paradis. En réalité, il s’appelle P’tit Claude, souriant, bas du ventre, qui connaît mille blagues comiques.
Pour les morts ayant été bons et heureux sur Terre, il existe deux options éternelles. Flotter dans le calme de l’infini, sans souffrance ni problèmes. Ensuite, et en ce qui nous concerne : que nos esprits retournent sur Terre pour vivre les instants nous ayant apporté le plus de bonheur.
Et pour les vilains? L’enfer, le diable? Inventions des religions. Par contre, il y a une possibilité pour ces gens : ce que les humains appellent la réincarnation, c’est-à-dire revivre sur Terre sous un autre forme, afin de croiser un instant de pur bonheur qui permettra, plus tard, de flotter dans l’infinité ou de retourner sur Terre sous forme d’esprit pour revivre à jamais des instants d’immense bien-être. Par exemple : mon mari, réincarné en fonctionnaire du gouvernement du Québec, avec comme mission de vérifier que personne ne sourit sur les cartes d’assurance-maladie. Infernal! Autre exemple : l’ancien propriétaire de notre maison est un rat.
Je reviens à ce qui nous concerne. Un fantôme ne porte pas de drap sur la tête et ne crie pas Bou pour effrayer les enfants. Nous sommes des esprits, donc, invisibles. Quand nous revivons chaque nuit des moments de grand bonheur de notre vie, nous reprenons la forme humaine, ayant le pouvoir de recréer les choses et même les gens. Quand la nuit disparaît, tout redevient comme la vie quotidienne terrienne, mais nous existons encore. Nous flottons dans la ville, où bon nous semble mais, de façon générale, c’est un moment d’attente pour la prochaine nuit.
Le texte de ce livre se concentre sur nos bonheurs, à l’aide du romancier Mario Bergeron, qui, je ne sais trop comment, est devenu au courant de la situation quand, hypnotisé, il regardait le vaste stationnement asphalté et un parc près du fleuve, dans l’est de Cap-de-la-Madeleine, en ayant découvert que ce lieu fut, des années auparavant, un terrain de baseball. Alors, avec émotion, il a marché doucement partout, imaginé les joueurs, les spectateurs. Un de ces athlètes, notre bon ami Augie Swentor, s’est senti touché par son attitude. Augie m’en a parlé, nous avons discuté avec Roger et Annette, décidant d’informer monsieur Bergeron de la réalité des fantômes du Trois-Rivières métropolitain.
Il a été très étonné, mais pas trop longtemps. J’imagine que lui-même vivait déjà avec la nostalgie d’un bonheur disparu et que, de toute façon, les auteurs ont tous la tête dans les nuages. Le lectorat, d’assurer Annette, pensera que c’est une fantaisie d’écrivain et Roger a précisé que les livres se vendant très peu, au Québec, il n’y a pas de danger de voir des millions de gens souhaiter la mort pour se joindre à notre saine infinité.
Nous avons convenu d’alterner un fantôme masculin avec un autre féminin, un chapitre (de dix pages) se déroulant à Trois-Rivières et le suivant à Cap-de-la-Madeleine. J’en ai parlé à tous nos esprits, mais trouvé peu de volontaires. Par timidité, sans doute. Certains croyaient que cela ne regardait pas les humains, mais personne ne s’est opposé profondément. De plus, il fallait que le lieu de notre bonheur existe encore, mais sous une autre forme. Enfin : ne pas répéter une séquence dans un lieu précis. Par exemple, pour Augie : un seul terrain de baseball, comme une seule usine, une unique école, etc. Finalement : une limite de cent années temporelles : de la décennie 1890 à la 1990. Décidément, je ne savais pas que les auteurs devaient se casser la tête pour préparer un tel plan de rédaction.
Je me dois de préciser que des amicales comme la nôtre, il en existe des milliers, mais que la mienne ne se mêle pas trop aux plus anciennes comme, par exemple, celle regroupant les gens de Nouvelle-France. On se salue, d’accord, mais rien de plus.
Mon nom est Nicole Côté, présidente de notre amicale depuis quatre années et je remercie mes camarades fantômes de m’avoir élue. Un bel honneur, mais tout le monde peut y accéder. Mon rôle consiste à ce que notre amitié demeure intacte. Nous sommes à l’écoute les uns les autres, demandons des nouvelles, écoutons, une fois par semaine, les témoignages du vécu nocturne de bonheur. Je vous parlerai du mien plus tard, dans ce livre. Je remercie monsieur Bergeron, son aimable éditeur, Roger et Annette, les esprits ayant décidé de participer. Je vous souhaite une agréable lecture.
Commentaires
Pour me lire, il y a le blogue MARIO ROMANCIER. Voir les liens, à droite.
Salut Mario, toujours aussi espiègle et plein d'imagination....on te lit avec plaisir....
Pas que ce terrain : tout lieu de jadis remplacé par autre chose. J'ai terminé le premier chapitre : un fantôme vivant en 1937, commis pour la mercerie dans un grand magasin. Le local est aujourd'hui remplacé par un café au rez-de-chaussée et par des logements au second.
Autre exemple : une école pour garçpns qui a eu 100 années d'existence. Aujourd'hui : un édifice à bureaux.
Tout ça avec humour. Je sens que je vais m'amuser.
je me souviens de ta découverte fortuite de ce terrain de baseball effacé par le temps.C'est bien et surtout amusant qu'une association se soit constituée pour en "célébrer" la mémoire. Honneur à madame la présidente, à Roger et à Annette. Florentin
À ne pas confondre.
A ne pas confondre avec Roger Tête d'elephant et Anette Mille bras ?
Non, non, je t'assure : Roger et Annette.
Et si l'éternité était hindouiste ? L'âme qui ne fait plus qu'un avec le cosmos ? Perte totale de conscience...