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Titre du blog : Mario Bergeron multicolore
Auteur : Mario3
Date de création : 21-12-2014
 
posté le 05-03-2017 à 23:55:44

Lecture : Annie Carle et Gagnon

 

 

Un petit livre de 150 pages qui aurait dû être plus volumineux. Le sujet est la ville de Gagnon, dans le moyen Grand-Nord du Québec, au service d'un seul employeur: une compagnie minière. Pour exploiter cette immense mine de fer, l'entreprise avait bâti une ville pour ses ouvriers, où tout leur appartenait. Gagnon était un lieu isolé dans la forêt : aucune route ne la reliait à un centre urbain et le seul moyen d'y arriver était le train et l'avion.

 

 

Comme dans une autre ville minière de cette région, Schefferville, les liens unissant la population étaient très étroits. Ne vivant pas dans une région socialement développée, les habitants n'avaient qu'eux-mêmes.

 

 

Bâtie en 1960, Gagnon était une ville moderne, avec une population jeune. Tout y était neuf. Elle avait son hôpital, ses écoles, son aréna, son hôtel, son église et même une station de radio. La population s'établissait autour de 5000 personnes.

 

Comme dans le cas de Schefferville, la fermeture de la mine, en 1984, signifiait la disparition de Gagnon. Peu d'alternatives ont été émises pour donner une autre direction à la ville.  Il n'y a pas eu de lutte pour la survie du lieu, comme cela s'est produit à Scheffer.

 

Fait très singulier : le gouvernement du Québec a ordonné la destruction de la ville, à une date précise de 1985. Les maisons, qui n'avaient pas 25 ans, ont été démollies à coups de bélier et les ruines enfouies dans le sous-sol de l'habitation. Ironiquement, à ce moment, l'hôpital venait d'être rénové, quelques mois avant sa destruction. Voici une photo aérienne de Gagnon : 

 

 

 

La lecture de ce livre commandait la comparaison avec celui à propos de Schefferville. Voici le lien :

 

http://mario3.vefblog.net/37.html#Terre_rouge_Schefferville_par_Jocelyne_Lemay

 

Jocelyne Lemay allait beaucoup plus loin qu'Annie Carle. Les deux ouvrages étaient à compte d'auteur. Annie Carle prend des raccourcis me laissant parfois sur ma faim. Davantage de détails auraient été les bienvenus. Par contre, elle a eu recours à beaucoup de témoignanges d'anciens citoyens de Gagnon et bien que certains se répètent, plusieurs sont émouvants, tout comme les photos de la destruction de la ville.

 

 

Quoi qu'il en soit, c'est un livre intéressant et utile pour connaître ces épisodes très sombres de l'histoire du Québec. Rage de penser que des haut-placés puissent décider du sort de tant de gens et du lieu qui les a vu naître, grandir, aimer.

 

 

Voici un extrait significatif d'un homme natif de Gagnon :

 

J'avais 17 ans quand j'ai appris la fermeture. C'est mon père qui me l'a annoncée. Je le vois encore assis sur la chaise de la cuisine et me dire : là, c'est fini. Et il s'est mis à pleurer. (...) Dehors, il neigeait. Je me suis mis à pleurer. Pour moi, la mort de Gagnon, c'est comme la mort d'un être cher. J'ai eu un deuil à faire. J'ai appris à marcher à Gagnon, j'ai été à l'école là, j'y ai rencontré ma première blonde. Tous les beaux moments que j'ai vécus sont à Gagnon. Mon père m'a amené à l'endroit où il a grandi, mais moi, tout ce que j'ai à montrer à mes enfants, c'est le désert.



La seconde photo. Tout ce qui reste de Gagnon. Cette route est en réalité l'ancienne rue commerciale de la ville. De chaque côté, il y avait des maisons, des commerces. La nature a depuis repris ses droits et a couvert les rues, les terrains des maisons. Au fait, si quelqu'un s'avisait de faire des fouilles du sous-sol dans cette forêt, cette personne aurait d'étonnantes surprises. Un panneau indique aux voyageurs que c'est le lieu de l'ancienne ville de Gagnon. Cette route, tant espérée par les citoyens pendant longtemps, sera ouverte en 1986, une année après la disparition de la ville.