Une deuxième lecture consécutive sur le Canada et la guerre 14-18. J'imagine qu'il a dû y en avoir plusieurs sur le marché, l'an dernier... L'auteur Jean Martin tente de présenter des sujets inédits, de remettre les pendules à la bonne heure. Il y réussit, même s'il a une écriture terne, ne rendant pas cette lecture passionnante.
Un événement caché : les soldats canadiens avaient fait du pillage dans une petite ville belge abandonnée par ses citoyens. Un fait dont on ne parle pas : c'est à dire qu'on parle beaucoup des Québécois qui s'étaient vivement opposés à la conscription obligatoire, alors qu'il y a eu la même chose en Ontario et dans l'Ouest. Autre vérité peu connue : l'armée canadienne était en grande partie composée de fils d'immigrants britanniques et que lors de l'appel initial de 1914, il y avait peu de Canadiens de souche. Enfin, un charmant chapitre sur les relations des soldats avec les populations belges et françaises. Bravo pour avoir déniché ces sujets rares, mais comme c'est écrit de façon banale...
Le système métrique a été imposé au Canada au milieu des années 1970. Ne vous inquiétez pas, car depuis, un grand nombre de citoyens utilisent toujours les pieds, pouces, milles, etc. Je suis l'un d'entre eux. Que puis-je y faire ? J'ai fréquenté l'école avec ces données et elles faisaient partie de mon quotidien, d'autant plus que cela était présent depuis le 19e siècle. Jeune, je m'amusais beaucoup en disant à mon père que Montréal était situé à 42 kilogrammes de Trois-Rivières, qu'il pesait 52 mètres. Il me croyait sur parole. Le rire se retourne contre moi, car je suis semblable à lui. Hors les distances, qui figurent en km sur les panneaux de signalisation, je ne saurais vous dire combien je pèse et mesure. Dans ce dernier cas, je sais que personne n'atteint 2 mètres, que tout le monde est à 1 mètre point quelque chose. Ce n'est pas beau ! Un grand six pieds, c'est joli : un cinq pieds deux est un p'tit boutte ! Un 105 livres, c'est un maigre et un 300, un américain. Et puis, au baseball, n'est-ce pas, je ne peux imaginer une clôture en mètres ni un lancer avec une vélocité de... de... de... heu... Résistance culturelle !
1. lulette le 24-04-2015 à 06:40:03 (site)
C'est compréhensible !
Je suis de cette génération qui continue de convertir mentalement les euros en francs...
Alors je fais 5 pieds 4, ouf, en revanche je ne saurais dire mon poids en livres, mais je ne suis pas Américaine
2. jakin le 24-04-2015 à 11:29:50 (site)
Bonsoir Mario,
C'est comme les anciens Égyptiens qui calculaient en pieds, en main, en pouce, en coudée et empan...ce qui ne leur a pas empêché de construire les pyramides !
3. MarioBergeron le 24-04-2015 à 12:23:43 (site)
Lulette : Tu as tout de même vu ça lors de ton séjour à New York.
Jakin : Tu sais, même pour les gens nés après l'adoption du système métrique, ils parlent évoquent tout de même l'ancien système. C'est dans notre mentalité, je crois.
4. lulette le 25-04-2015 à 14:15:42 (site)
Oui, mais à l'époque j'avais été horrifiée par mon poids (qui avait augmenté considérablement), un traumatisme que je me suis empressée d'oublier !
6. lulette le 08-05-2015 à 09:01:09 (site)
Non Mario, Lulette et sa santé ! Cette prise de poids avait entraîné de sérieux soucis aux articulations des jambes et à mon pied droit ; j'ai marché avec une jambe toute raide et douloureuse pendant plus d'un mois, et ai dû me faire fabriquer des semelles spéciales à mon retour en France. Tout ça parce que les Américains mettent des cochonneries partout dans leur bouffe ! Ils sont dangereux...
7. MarioMusique le 08-05-2015 à 12:04:13 (site)
Tiens, tiens... j'ai déjà eu quelque chose de semblable...
Est-ce que tu sais que dans certains hôpitaux américains, il y a des McDonald ?
Un de mes anciens profs de l'université est venu me porter une copie du livre que vous voyez ci-haut. Ce volume, de plus de mille pages, a été lancé en 2012 et, à ce moment-là, j'avais pensé qu'on m'en donnerait une copie, car j'y ai participé. Ce ne fut pas le cas et je n'avais pas d'argent pour l'acheter.
Ce livre fait partie d'une riche série racontant l'histoire des régions du Québec. Ils sont l'oeuvre d'universitaires. Au doctorat, la plupart des étudiants travaillent à ces ouvrages. Ce fut mon cas, sans doute autour de 2003-2004. Le travail des étudiants consiste à trouver les informations sur un sujet donné, de les refiler à un des signataires, qui écrit le texte. J'avais agi de façon différente : j'avais rédigé le texte, ce qui avait étonné mon prof, mon initiative m'assurant ainsi d'autres recherches pour trois autres sessions. Le prof a modifié mes textes, enlevé ce qu'il jugeait superflu, mais je crois bien qu'il a utilisé 90 % de ce que j'avais trouvé. Cependant, un de mes textes, sur les salles de cinéma, est demeuré tel quel, si bien que mon nom apparaît au début de cet article de dix pages. Je dois avouer que lorsque j'ai vu tout ça, je me suis senti fier.
J'avais aussi signé deux textes (autour de 50 pages) dans un collectif sur l'histoire de Trois-Rivières, commercialisé en 2009. Enfin, sans signer d'articles, j'apparais dans les remerciements de deux autres livres d'Histoire (dont un que je ne possède pas), car j'avais fourni des renseignements pour l'un et travaillé deux mois pour un autre.
En ce lundi 20 avril 2015, je fête le premier anniversaire d'une semaine de l'acceptation de mon roman Gros Nez le quêteux, par la maison d'éditions Marcel Broquet. En sept jours, j'en ai vu de toutes les couleurs. Ces gens-là ont accompli en si peu de temps ce que les autres mettent trois mois à élaborer.
Le mardi, je recevais l'évaluation du roman, constatant surtout qu'il n'a sans doute pas été lu au complet. Le jeudi, c'était une avalanche de courriels, réclamant une photo, une biographie, des suggestions pour la page couverture, puis un contrat que je me suis empressé de signer. Il était aussi question d'une publication pour juin. Très, très, très rapide ! On m'a aussi souligné qu'une personne se pencherait illico sur des corrections à apporter. Ils vont lire les 400 pages en un avant-midi, peut-être ?
Un aspect différent de mes autres expériences. Ailleurs, c'était mon texte, mais leur livre. Avec Marcel Broquet, cela me semble être mon livre de A à Z. La page couverture que vous voyez est une de mes suggestions, basée sur une photo ancienne que je possède. J'ai souligné que le personnage n'est pas aussi âgé et qu'il faudrait ajouter du noir ou du brun dans ses cheveux et sa barbe, ainsi que mettre du bleu dans le ciel. D'accord, qu'ils ont répondu, sans rechigner. Incroyable ! Habituellement, une page couverture, ça arrive vers la fin du processus.
Le texte suivant est l'évaluation de la part de l'éditeur.
Sur la base des notes qui suivent, prises au fil d’une lecture partielle, voici mon avis :
le sujet est très intéressant et original, le texte est bien écrit, fluide, facile à lire…détente assuréeLe titre : accrocheur, audacieux, pique la curiosité, incite à ouvrir le livre, invite à la découverte…bref, ne restera pas inaperçu, le tout avec humour
× Les premières pages situent le lecteur, donnant un aperçu de ce que l’ouvrage lui réserve;
× Facile à suivre, simple, promesse d’une aventure originale dans la simplicité volontaire d’un quêteux, dans une ambiance humoristique;
× Le lecteur a la chance de partager le vécu peu commun, énigmatique d’un itinérant, et donc de mieux le comprendre, mais aussi de voir le monde par les yeux du personnage principal;
× Originalité du sujet, aux antipodes de « notre » modernité qui nous impose parfois un rythme quotidien presque insoutenable, souvent dans l’indifférence et la méconnaissance de l’autre, dans l’anonymat virtuel; contraste entre hier et aujourd’hui;
× Analyse de mœurs, de valeurs, le lecteur apprend ou réfléchit sur la mendicité, l’indépendance totale vis-à-vis de l’argent et des biens matériels, et sur une certaine noblesse du cœur ou fierté de rendre service en retour d’un geste généreux;
× Texte saupoudré de souvenirs à saveur historique et de passages cocasses, amusants;
× Pour les lecteurs qui aiment se souvenir;
× Pour ceux qui aiment apprendre et comparer entre le « hier » et le « aujourd’hui »;
× Comment les itinérants des campagnes d’autrefois étaient traités par rapport à ceux d’aujourd’hui, dans nos villes…
Conclusion : Publiable
1. jakin le 21-04-2015 à 12:49:54 (site)
Bonsoir Mario,
J'espère que l'on trouvera ton livre dans les bonnes librairies françaises...J'attends avec impatience....Bonne fin de journée....
2. MarioMusique le 21-04-2015 à 16:42:14 (site)
Ce serait étonnant que ce livre entre dans les librairies de France, mais il y a un moyen très facile de le commander, via La Maison du Québec, à Paris. Le moment venu, j'indiquerai leur adresse, numéro de téléphone.
Je vais sans doute lancer un petit blogue promo, avec des exrraits, etc.
3. lulette le 22-04-2015 à 10:59:00 (site)
Fantastique ! Croisons les doigts pour que cela continue de glisser si bien jusqu'à la publication, je suis contente pour toi !
4. MarioB le 22-04-2015 à 11:54:44 (site)
Je ne passe pas une journée sans recevoir un courriel de ces gens ! La correctrice a décrété que Gros Nez prendrait un trait d'union, une idée grammaticale, mais je ne l'aime pas tellement. Il y aura aussi un sous-titre. Je vais annoncer les étapes par des articles à mesure qu'elles apparaîtront.
Merci, chère cliente potentielle.
Après l'aventure de CFCQ (Voir l'article suivant), je m'étais juré que le travail à la radio, c'était terminé pour moi. Du moins jusqu'à ce que CHLN-AM me téléphone... J'ai cependant hésité avant d'accepter. Le patron voulait une émission de musique nostalgique, mais pas "les maudits shows rétro plates. Fais quelque chose qui sort des sentiers battus." Ces gens m'ont avant tout téléphoné à cause de ma réputation des jours de CIGB : je travaillais rapidement, et, de plus, la station n'avait presque plus de disques. Étonnant, considérant que CHLN avait l'une des plus belles discothèques, à peine dix années plus tôt. Les ondes A-M diffusaient de moins en moins de musique et nous étions dans la période de transition entre les 33-45 et le disque compact. J'imagine que ce sont les deux raisons faisant en sorte que lorsque je suis entré dans le local, j'ai pensé, découragé, "C'est vraiment tout ce qu'il leur reste ?". Bref, je possédais plus de disques qu'eux et c'est bien sûr avec mon propre matériel que je devais préparer les émissions.
Un mot sur les "Maudits shows rétro plates" : clichés de A à Z, puis limiter la musique à quelques titres. Par exemple : les Mamas & Papas ont connu beaucoup de succès radiophoniques en 1966 et 1967, mais les programatteurs ne considèrent que deux seuls titres : Monday Monday et California Dreamin'. Mon rôle serait de présenter les autres. Je me suis aussi beaucoup amusé à piger sur les microsillons, surtout pour l'aspect francophone. Ah! j'avais fait tourner Miserlou de Dick Dale avant que le film Pulp Fiction ne soit tourné !
Une autre différence de l'émission Juke-Box, diffusée cinq soirs par semaine : l'animateur, Martin, était jeune, apportant un enthousiasme habituellement absent de ce type d'émission. D'autant plus que Martin, qui connaissait très peu cette musique, s'amusait comme un dingue. Je lui préparais des interventions sur quelques événements du passé que je trouvais dans des journaux anciens, des almanachs, diverses sources.
Beau succès ! Nous recevions beaucoup de coups de fil pour des félicitations, des demandes spéciales. Les gens appréciaient d'entendre des pièces enfouies dans la mémoire du temps. Cela a duré de septembre 1989 à mai 1990. Pourquoi cela a-t-il arrêté ? Car CHLN faisait partie d'un réseau et les patrons de Montréal avaient entendu ce qu'on faisait, décidé que l'émission s'étendrait à toutes leurs stations, mais évidemment, Mario et Martin ne faisaient pas partie du décor. Dehors ! Cette fois, c'était terminé ! Voilà deux fois que des réseaux me mettaient des bâtons dans les roues.
Autour de 1995, l'homme qui m'avait engagé à CHLN me téléphone pour me demander de refaire Juke-Box pour une station de Québec et j'ai refusé. La page radio était tournée à jamais.
2. jakin le 20-04-2015 à 11:04:59 (site)
Bonsoir Mario,
Belle expérience de Radio...Moi j'y ai fait un bref passage dans une radio locale mais comme administrateur, des chiffres, des chiffres et surtout pas de lettres !
3. MarioMusique le 20-04-2015 à 17:42:13 (site)
C'est maintenant très différent ! Je me souviens avoir fait une entrevue, assis dans un fauteuil, avec un micro sans fil. Ils n'ont plus du tout de disques : que des fichiers.
La saga de CFCQ a débuté dans l'anonymat en 1975 et s'est terminée dans la tristesse en 1988. Il y a eu toutes sortes de phases bizarres, des malheurs (L'antenne de transmission qui s'écroule!), des fermetures, des irresponsables et des passionnés. Brièvement, ma première association date de 1984, alors que je devais donner un coup de main rock & roll à l'animateur Gilles DesRochers, mais ce gars-là mérite un article à lui seul.
Le plus important fut en 1987 et 1988, alors que la station avait été prise en mains par des gens sérieux. Nous avions un permis de type "Radio éducative", la seule au Canada. Cela signifiait surtout que lorsqu'un animateur mettait en fonction son microphone, c'était pour nous apprendre quelque chose. De ce fait découlait une réalité particulière de 1987-88 : une grande qualité d'animation. Pas de conneries en ondes ! Je suis entré à CFCQ par l'entremise de Danielle Bilodeau, qui travaillait en ma compagnie à CIGB au début des années 80. C'est d'ailleurs moi qui l'avait recommandée au patron. Retour de service.
Danielle était en principe responsable de la programmation musicale, mais touchait mille tâches, si bien qu'elle manquait de temps pour choisir la musique. C'est avec le titre d'assistant de Danielle que je suis entré en scène. La musique de CFCQ était particulière, passant de la variété jusqu'au rock. Une évidence : nous avions peu de disques, si bien qu'il ne fallait pas s'en tenir aux seuls extraits 45 tours d'un microsillon. Le choix musical devait marcher main dans la main avec la qualité de l'animation. Nous avions aussi décidé que le choix de musique serait à 80 % francophone, ce qui laissait un 20 % unique pour l'aspect anglais. Nous faisions tourner des disques peu entendus ailleurs : China Crisis, ABC, Sade, Fra Lippo Lippi, Everything But The Girl, Elvis Costello, Rosie Vela, Lou Reed, etc. Une nette tendance jazzy-pop qui se manifestait aussi en français. Pendant un certain temps, j'ai touché à l'animation, pour une émission de trois heures les samedi et dimanche soir.
CFCQ était une station communautaire. Ce qui signifie que nous n'étions pas souvent payés. Je crois aussi que l'équipe était formée d'une bande d'amoureux et que nous avions tous le cigle de la station tatoué sur le coeur. La station a fermé ses portes au cours du printemps 1988, sur l'ordre du gouvernement canadien, car une chaîne réseau désirait établir une station FM à Trois-Rivières et que nous prenions sa place. Le monde de la radio, ce n'est pas comme David qui triomphe de Goliath. Goliath gagne toujours. Nous avions pleuré comme des dingues...
Il m'arrive à l'occasion de croiser hommes et femmes de CFCQ et nous nous parlons alors comme si le temps n'avait pas effacé notre tatouage. Les histoires d'amour ne s'effacent pas. Danielle Bilodeau travaille toujours pour la radio, dans une station de Montréal et lors d'une rencontre dans un autocar en direction de Montréal, voici quatre ou cinq années, nous avions parlé pendant deux heures d'un seul sujet : CFCQ. Quant au monstre qui nous a chassé de l'univers radiophonique, il existe encore et chaque fois que j'entends ces gens-là dans un lieu public, je les maudis avec toute mon âme.
2. MarioBergeron le 19-04-2015 à 16:39:30 (site)
Un peu triste, je crois...
3. Gaetan Marchand le 21-05-2015 à 05:56:32 (site)
Bonjour aux nostalgiques de CFCQ-FM.
Effectivement la fermeture de CFCQ fût dramatique pour l'histoire de la radio éducative.En tant que technicien et programmateur de CFCQ; j'ai eu une vive douleur en étant à l'émetteur à Mont Carmel et en mettant switch down sur notre émetteur à minuit pile sur ordre du CRTC. Par la suite je fût récupéré par CJTR et en décembre 89 je me dirigeai vers Bamako pour y installer plus de 200 radios de proximité. On a mal comprisle vrai sens éducation; dommage. Salutations à tous les ex-auditeurs de feu CFCQ-FM 99.9 MHZ et à toute l'équipe dispersée.
Quand je travaillais de nuit comme opérateur à CIGB-FM, j'étais le seul à avoir l'autorisation de choisir la musique à faire entendre. Les autres étaient tenus de ne pas déroger de la programmation préparée et de ne pas répondre aux demandes des auditeurs. Je débutais à 2 AM, mais arrivais à la station à minuit. Le gars qui me précédait s'appelait aussi Mario.
Pendant un certain temps, il recevait de jour un jour, à minuit trente, un appel téléphonique d'un vieil homme demandant sans cesse la même chanson : Le temps qu'il nous reste, par Nana Mouskouri. Il répétait la même chose : "Je suis vieux, je vais mourir et j'aimerais entendre cette chanson." Mario devait lui répondre négativement, du moins jusqu'à ce qu'il me raconte tout ça et me dise : "ll me fait pitié, cet homme. Est-ce que je peux lui faire tourner sa chanson ?" Je lui ai répondu qu'il ne perdrait pas son emploi à cause de Nana. Alors, à partir de cet instant, j'ai assisté à un rituel : Téléphone qui sonne à minuit trente, le vieux qui dit qu'il allait mourir et voulait entendre Nana, puis Mario traversant dans la discothèque pour mettre la main sur le disque, qui tournait cinq minutes plus tard. Nous trouvions ça rigolo, en pensant à ce qu'il disait et au titre de la chanson. Nous disions : "Le temps qu'il lui reste."
Sauf qu'à chaque jour, à la même heure, la même chanson... Un jour, le téléphone sonne et je crie à Mario de ne pas répondre, que je le ferais. J'entendais l'homme pour la première fois : "Je suis vieux, je vais mourir et je voudrais entendre Le temps qu'il nous reste." Je lui ai suggéré d'autres chansons, lui expliquant que chaque jour, c'était un peu trop, qu'à tous les trois jours, ce serait mieux. Non, il ne connaissait pas d'autres chansons. Croyez-le ou non, il m'a obéi à la lettre. À tous les trois jours, à minuit trente : Dring ! "Je suis vieux, je vais mourir etc."
Puis un jour : plus d'appel. Après une semaine, Mario, pensif, approche de moi pour dire : "Je pense qu'il ne mentait pas. Il est sûrement décédé." Je n'ai rien ajouté. Mario a poursuivi : "On a fait plaisir à un monsieur qui allait mourir. Ça me donne l'impression de ne pas travailler pour rien."
1. lulette le 22-04-2015 à 11:36:42 (site)
Joliment poignant, oui. Voilà un métier - animateur de radio - où tu ne te douterais pas que tu approches autant les gens, finalement (bon, c'est pas clair mais je me comprends)
2. MarioB le 22-04-2015 à 11:52:17 (site)
Non, on ne pense pas qu'on rejoint des gens. Peut-être les animateurs, mais pas les opérateurs.
Quand je suis entré en service comme opérateur de nuit pour la station de radio CIGB, le patron m'avait fait une recommandation : ne pas établir de relation avec les personnes qui téléphonaient. Je ne lui ai pas obéi. D'abord, comme il n'y avait pas d'animation, de bulletin de nouvelles ou de météo, les auditeurs devaient penser qu'il n'y avait personne dans le local, que c'était un long ruban de musique préenregistrée qui se faisait entendre. Conséquemment, il y avait peu de coups de fil la nuit, et c'était toujours pour connaître le titre d'une chanson, pour en demander une. Il y avait aussi une douce dingue maniaque d'Adamo avec qui je m'entretenais pour passer le temps, mais elle était gentille.
Puis un jour, sans doute au cours de l'automne 1981 : coup de fil d'un homme désirant entendre Ave Maria par Nana Mouskouri. Je lui dis qu'il s'agissait d'une chanson associée à Noël et qu'il était un peu tôt pour faire tourner ce disque. Il m'explique, au contraire, que cet air n'avait rien à voir avec Noël. Comme je le trouvais distrayant, je l'ai laissé parler. Il était surtout question de la Vierge, des saints, du bon Dieu, de toute la panoplie. C'était un homme habitant Joliette, à 200 kilomètres de Trois-Rivières. En fin de compte, j'ai pensé : "Bof ! Je vais lui faire tourner, son disque." Monsieur content.
Il téléphone quelques jours plus tard, pour la même demande. J'insiste pour signaler que les auditeurs vont se croire le 22 décembre et que je ne dois pas faire tourner ce disque. Ça recommence avec des extraits bibliques, etc, puis un autre Bof de ma part. Une semaine passe et bis. Cette fois, non, non et non. Je lui propose une autre chanson de Nana, mais c'était Ave Maria qu'il voulait entendre. Je crois que je me suis montré prompt et sans doute impoli en le sommant de me ficher la paix avec cette chanson et ses bondieuseries. "T'as pas le droit de me parler comme ça, Mario ! Tu vas avoir de mes nouvelles !" C'est ça et bon vent... En fait, il a tenu promesse.
Vers quatre heures du matin, la porte d'entrée (qui était brisée) ouvre avec fracas et voilà mon auditeur qui monte à toute vitesse, se lance dans le studio et se met à m'engueuler en gesticulant. Derrière lui, il y avait un homme qui me semblait terrorisé, qui me dessinait des signes que je ne comprenais pas. Mon maniaque était furieux, criait fort, lançait des coups de poing sur la console. J'étais mort de peur. À la fin d'un disque qui tournait alors, je recule ma chaise vers la table et il devient menaçant, m'ordonnant de couper toute la musique et de l'écouter. Revoilà des passages de la Bible et toujours cet homme derrière, effrayé, avec ses signes. "Tu me fais tourner Ave Maria ?" Oui, oui... Alors, il est parti, suivi de cet homme qui ressemblait à un nerf vivant. Tout ça n'a duré que quinze minutes, mais j'étais très effrayé et ça m'a semblé une éternité.
Je me suis lancé vers la porte, jeté des chaises devant. Je ne savais pas où donner de la tête, hors de souffle, le coeur battant. J'ai pensé téléphoner la police, mais j'ai décidé d'attendre le retour du patron, à huit heures trente. Je me souviens de la réaction de l'animateur du matin, à son arrivée à 6.30. "Mais qu'est-ce que t'as eu ? Qu'est-ce que t'as ?" J'imagine que je devais avoir la même apparence quand le patron est arrivé. Nous étions un mercredi et il m'a donné congé de deux jours, ce qui, avec le samedi et le dimanche, me laisserait quatre jours pour me remettre de ces émotions. Je me suis souviens être entré chez moi en tremblant, incapable de dormir.
J'ai eu des nouvelles en soirée, car le patron avait raconté tout ça à la police de Joliette. L'homme accompagnant mon cinglé s'était manifesté avant le patron : un chauffeur de taxi qui a dû rouler jusqu'à Trois-Rivières sous la menace d'une arme. C'est ce qu'il tentait de me communiquer par ses signes. La police de Joliette m'a téléphoné en soirée pour que je relate mon aventure.
Le seul truc intelligent que j'aurais dû faire est de mettre en fonction le microphone, mais on y pense toujours trop tard. Quand je suis rentré au travail, le dimanche soir, la porte était réparée et il y avait une note du patron : débrancher le téléphone la nuit. C'était mon intention.
Jamais je n'ai pu oublier ça...
1. Florentin le 17-04-2015 à 09:36:09 (site)
Ce qui est étonnant, c'est qu'on laisse un homme seul animer une nuit à la radio. Imagine que tu aies un malaise,, la radio se tait ... Vous auriez été deux ou trois cette nuit-là, vous aurriez pu maîtriser ce foutu forcené...
2. MarioB le 17-04-2015 à 11:11:19 (site)
Plusieurs employés la nuit pour une station de radio ? On ne voyait cela que dans les grandes villes et même au moment où je le faisais, il n'y en avait plus du tout dans les deux autres stations de Trois-Rivières. C'était un long ruban musical qui tournait. Le grand patron, qui travaillait à la radio depuis les années 1950, m'avait dit ne connaître qu'un autre cas de menace, survenu il y avait longtemps,
3. lulette le 24-04-2015 à 06:46:43 (site)
Ouh la la, j'aurais fait pipi dans ma culotte, tu sais ! La remarque de Florentin est très juste.
(à quoi ça sert que je mette mon adresse de courriel, je ne reçois jamais tes réponses ?)
4. MarioBergeron le 24-04-2015 à 12:27:34 (site)
Une petite faille ici, mais je réponds toujours aux interventions.
J'ai travaillé comme programmateur musical pour la station de radio CIGB de la fin de 1981 jusqu'au début de 1984. Cela consistait à choisir les pièces musicales à mettre en ondes, bref à décider de ce que le public allait entendre.
L'optique musicale de la station était archi-conservatrice. Il s'agissait de variété sage, composée de "valeurs sûres", avec une forte dose d'artistes français de type Gaga Mouskouri, Michel Sardine ou Joe Bassin, etc. Surtout etc. Genre musical que je n'aimais pas, mais personne ne travaille à la radio pour entendre de la musique, bien que nous étions obligés de la subir huit heures de suite, contrairement à l'auditeur qui avait le loisir de fermer son appareil. J'ai depuis conservé une profonde allergie face à ces artistes et à ce style.
Les chansons permises étaient écrites et reliées dans quatre gros cahiers à anneaux. Les codes étaient A (pour anglais), F pour France, Q pour Québec et I pour instrumental. Pour les catégories A et I, il y avait parfois l'ajout d'un C, signifiant que l'artiste était canadien, car nous étions tenus de programmer 60 % de musique canadienne. Je travaillais en manipulant sans cesse ces guides, bien que m'étant frotté à ces disques pendant un certain temps, il y en avait un grand nombre dont je connaissais les numéros par coeur et que je peux vous nommer plus de 30 années plus tard : Q 113 : disque de compilation de Jean-Pierre Ferland, I 72 : disque instrumental de Frank Mills, F 100 : compilation de Joe Bassin, etc. Il y avait aussi des codes pour désigner des chansons réservées au soir seulement, ou au matin. Les chansons sans codes pouvaient être entendues toute la journée.
Il y avait 18 feuilles à remplir, pour trois moments de la journée : matin, après-midi, soirée. Pour la nuit, on pouvait mêler les feuilles. Sur chaque feuille, représentant 60 minutes, il fallait écrire 20 chansons, bien qu'il était rare d'en faire tourner autant en une heure. L'ordre était découpé en quarts d'heure. Par exemple : A F F I Q, ou I F A Q F, etc. Il s'agissait d'écrire le numéro du disque, le titre de la chanson et l'interprète suite à ces lettres.
Je nageais dans ces feuilles à une vitesse folle, dit-on, beaucoup plus vite que les deux autres types ayant tenu le poste avant moi. J'allais rapidement car je ne réfléchissais pas : j'écrivais des titres de chansons et des numéros de disques de façon presque instinctive. Il y avait aussi une méthode disciplinée, me permettant de gagner du temps.
D'autres tâches : quand un artiste désirait une entrevue pour la promotion de son nouveau microsillon, c'est moi qui organisais le tout. J'ai ainsi pu faire connaissance avec des gens comme Diane Tell, Jacques Michel, Édith Butler, Renée Claude, tant d'autres !
C'est moi qui recevais les nouveaux disques, 33 et 45, qui les écoutais pour faire une sélection des pièces pouvant être susceptibles de rencontrer les normes de la station. Chaque vendredi, je proposais mes choix au directeur de la programmation qui acceptais ou non, puis le grand patron suivait avec le Oui ou le Jamais définitif. Je me souviendrai à jamais que le grand patron pensait que Francis Cabrel était un artiste "trop fou" pour la station... Le public québécois allait en décider autrement. Comme c'était très strict, peu de nouvelles chansons se faisaient entendre. J'adorais recevoir ces disques, car je jetais immédiatement les microsillons de rock dans mon sac. Quant aux 45 tours de promo, je les mettais dans un coin et les employés pouvaient fouiller librement et prendre ce qu'ils désiraient. Le 45 tours de promo de U2, illustré ci-haut, date précisément de l'époque de CIGB. J'avais aussi des relations téléphoniques avec des représentants commerciaux de compagnies de disques, particulièrement Columbia et Polygram et son Alain Martineau, qui me faisait des cadeaux "sous la couverture" qui arrivaient chez moi, et non à la station.
J'ai perdu le poste, remplacé par un système automatisé (de la programmation informatique, mais sans ordinateur) rendant l'ensemble encore plus conservateur. Bref, le poste de programmateur musical n'existait plus, la station faisant tourner les mêmes chansons dans le même ordre sans arrêt. Je croyais alors que les gens s'en rendraient compte. Non seulement j'avais tort, mais la majorité des stations dites "Réseau" fonctionnent toujours ainsi de nos jours. J'avais demandé à retrouver mon poste d'opérateur de nuit, mais on avait refusé.
Je m'occuperai de certains aspects musicaux pour deux autres stations.
1. jakin le 16-04-2015 à 13:01:04 (site)
Bonsoir Mario,
Je comprends mieux maintenant pourquoi tu as tant de connaissance en musique....
2. MarioBergeron le 16-04-2015 à 13:49:35 (site)
Je les avais avant. Il ne faut cependant pas oublier que dans le cas de cette station de radio, je venais de passer deux années à manipuler les disques et les catalogues, comme responsable de la mise en onde, la nuit.
La musique, dans mon cas, ça date de l'enfance. Les autres garçons jouaient au cow-boy, pendant que j'écoutais des disques et la radio. On va ajouter des livres et des revues, cela pendant une vie entière...
En ce mardi 14 avril, il m'est arrivé une mésaventure inédite depuis que j'écris des romans. Avant de vous la raconter, une mise en contexte s'impose.
J'écris à la main le premier jet. Quand un chapitre est écrit, j'ai l'habitude de commencer à taper le texte dans un fichier informatique. Mes feuilles amovibles sont dans un petit machin, avec mes notes de parcours, etc. C'est ce que j'ai toujours sur moi, même quand je sors. Depuis lundi, la température est plus chaude et j'ai recommencé à me rendre écrire au parc du Moulin, même si mon banc favori est entouré de neige.
Ce mardi était chaud (10 degrés, environ), mais venteux. Installé sur mon banc, je sors une feuille blanche que j'installe sur mon truc en carton dur. Puis je dépose le machin à mes côtés et, tout de suite, il part au vent. Pas d'un bloc, mais en s'ouvrant, si bien qu'une quarantaine de feuilles s'envolent. Je pars tout de suite à leur poursuite, glisse sur la petite côte enneigée, ramasse tout ce qui est à ma portée, à toute vitesse, la plupart des feuilles étant tombées soit dans la neige, soit dans la gadoue. Je ne prends pas le temps de tout remettre en ordre et chiffonne les feuilles contre moi. Certaines feuilles ont eu le temps d'être poussées dans l'étang, où il y a encore une mince glace, avec de l'eau flottante. J'ai facilement mis la main sur celles près du sentier, mais d'autres étaient beaucoup plus loin. Qu'à cela ne tienne, je me lance sur cette glace, mes chaussures absorbant l'eau très froide et j'ai pu ainsi mettre la main sur une dizaine de feuilles. Cependant, en remontant vers mon banc pour mettre tout ça pêle-mêle dans mon sac, j'ai vu que quatre ou cinq feuilles étant encore sur l'étang, mais beaucoup trop loin pour que je m'y risque. Elles sont perdues, car je ne les imagine pas passant 24 heures dans l'eau froide ou sur la glace fondante.
De retour chez moi, j'ai tout sorti du sac, pour classer selon les chiffres indiqués dans le coin droit, mais je me suis rendu compte que certaines feuilles étaient dans un état lamentable, d'autres à moitié mouillées ou salies. Une quinzaine de feuilles sont mises à sécher et le résultat ressemble à ce que vous voyez ci-haut. Comment diable vais-je réussir à relire ce texte pour le copier sur mon ordinateur ?
Demain (Mercredi), je vais classer comme il faut les feuilles pour voir combien j'en ai perdues. Ceci ne me causera pas un grand problème, car s'il manque une feuille, je peux deviner ce que que j'avais écrit. Cependant, il n'aurait pas fallu que le vent souffle plus fort. Il n'y a pas eu de témoins. Je serais alors passé pour le pire des cinglés, en marchant sur cette glace mince et dans l'eau !
Grrr ! Grrr ! Grrr ! Maudite soit la guerre, et toi aussi, Red Baron !
1. Nikole-Krop le 15-04-2015 à 08:22:17 (site)
Mais on le savais déjà que tu l'étais, cinglé, Mario... :- ))))
2. Florentin le 15-04-2015 à 11:09:28 (site)
Ecrie un roman est une aventure ! Mais, bon, dix publications, ça vaut la peine de se démener ! Bravo !
3. jakin le 15-04-2015 à 12:47:37 (site)
Bonsoir Mario,
L'aventure dans l'aventure ! C'est un comble pour un écrivain et peut-être un pléonasme ?
Bref cette fois ci c'est toi le Héros ! Bonne fin de soirée....
4. MarioMusique le 15-04-2015 à 12:49:39 (site)
Un héros trempé ! Il fallait voir les feuilles voler et moi, courir comme un dingue. Merci vous deux.
Nikole : Bou Hou Hou !
5. Nikole-Krop le 16-04-2015 à 01:51:12 (site)
(Et oups pour la fôôôte que je fis ...)
6. MarioMusique le 16-04-2015 à 02:01:46 (site)
C'est vrai ?
7. nyxie le 20-04-2015 à 07:52:53 (site)
Je savais que tu étais maladroit !!!! oups ... mais pourquoi emmener tant de feuilles déjà écrites, ne peux tu pas prendre que quelques feuilles blanches pour y déposer tes idées ? si tu recommences = punition 100 lignes
-Je ne dois pas laisser mes feuilles à
l'air libre ...
Biz mon Mario !...
8. MarioMusique le 20-04-2015 à 17:43:39 (site)
C'est bien la première fois qu'une telle chose m'arrive ! En fin de compte, après avoir replacé tout ça, je n'ai perdu que deux feuilles, mais il y en a beaucoup devenues illisibles.
10. MarioBergeron le 24-04-2015 à 12:25:02 (site)
J'ai recommencé à taper le texte sur mon ordinateur et il y a des feuilles difficiles à lire.
Commentaires
1. Florentin le 25-04-2015 à 09:43:22 (site)
Hello ! Cela fait un bout de temps que je ne suis pas revenu par ici. Le temps n'est malheureusement pas extensible et la tenue de mon blog en fait les frais. La vie au quotidien à ses contraintes. Je viens de feuilleter tes dernières pages. Des choses toujours aussi intéressantes. Finalement tu as eu une vie tout de même bien remplie ...
2. MarioB le 25-04-2015 à 13:21:08 (site)
Je remplis le bocal sans cesse, mais j'ai parfois qu'il y a une fuite en dessous. Merci pour ce gentil mot.
3. jakin le 26-04-2015 à 01:44:06 (site)
Bonjour Mario,
Ce matin le Québec est récompensé avec ce livre à l'écriture banale, mais qui a retenu ton attention....Jean Martin ne va pas apprécier ta critique....l'étymologie du mot banal nous apprend que ce terme indique que cela appartient au seigneur ? Bonne fin de semaine
4. anaflore le 26-04-2015 à 02:57:17 (site)
bravo pour la photo du jour
peut on dire banal pour un livre qui a retenu ton attention ça me semble pas un terme approprié....bon wk
5. MarioB le 26-04-2015 à 03:35:45 (site)
Les sujets abordés m'ont intéressé, à cause de leurs aspects inédits. Cependant, l'écriture laissait à désirer. Je crois que les historiens québécois ne savent pas écrire. Ils ont une écriture de fonctionnaires.
6. Gaetan Marchand le 21-05-2015 à 06:09:59 (site)
Bonjour Jean
C'est Gaëtan de CFCQ. Si tu vois le message contacte-moi.
Mes chaleureuses amitiés
Gaëtan