Mario Bergeron multicolore

Quotidien, souvenirs, coups de coeur, etc.

posté le 26-09-2017 à 01:18:33

Mon premier livre

 

 

Le livre illustré ci-haut est le premier que j'ai lu au cours de ma vie, au début de l'adolescence. Oh, au cours de mon enfance, il y avait eu Tintin et d'autres bandes dessinées, mais celui-là était un "vrai livre", acheté par ma grande soeur. J'avais lu et trouvé tout ça amusant, charmant. Le goût de refaire connaissance a été facile : il y en a une copie à la bibliothèque, mais la page couverture est disparue! Date de 1961, tout de même...

 

 

À ce moment-là, c'était un raccourci des trois livres publiés au cours des années 1930, avec l'ajout de textes inédits. Émile Coderre était un pharmacien, adoptant le pseudonyme un peu gratuit de Jean Narrache. Il était l'auteur de poésie, du moins de courts textes avec rimes, comme si tout ça était écrit par un gueux de la grande dépression économique. Pour la première fois, il y avait un langage argotique dans le cadre de poésie.

 

 

 

La lecture tant d'années plus tard m'a fait changer d'avis. Oui, il y a toujours des textes mignons et touchants, mais Coderre avait parfois des visions quelque peu conservatrices et qui ont mal passé l'épreuve du temps.

 

 

 

Comme exemple, voici un texte sur son chien.

 

 

 

 

 

 

 

 

Non, t'étais pas un chien d'salon

un d'ces chiens-chiens pour demoiselles

qu'ont des prix aux expositions

pis qu'y couchent dans des lits d'dentelles.

 

 

 

Quand j't'ai trouvé tout estropié

j'ai compris que dans ta vie d'misère

t'avais mangé ben plus de coups d'pieds

que d'viande... Pour ça, on était frères.

 

 

 

Tu me regardais d'un air si doux

quand tu mettais ta pauv' tête ronde

pis tes grosses pattes sur mes genoux

qu'on aurait dit qu't'étais du monde.

 

 

 

Tu comprenais ben sûr, pauvre vieux

tout' mes rancoeurs, tout' mes détresses.

Rien qu'à me regarder l'blanc des yeux

tu devinais tout' mes tristesses.

 

 

 

Tu m'guettais comme un collecteur,

comme une police, une sentinelle.

C'est pour ça que j't'appelais Misère ;

tu m'lâchais jamais d'une semelle.

 

 

 

Et pis, j'me souviens de l'enterrement

qu'j'ai mené ma vieille au cimetière ;

le corbillard montait tristement

avec rien qu'toé pis moé derrière.

Tags: #livre
 


Commentaires

 

1. jakin  le 28-09-2017 à 04:22:29  (site)

Salut Mario, quand je lis ce texte j'ai l'impression d'entendre une chanson de Georges Brassens....

2. MarioBergeron  le 28-09-2017 à 12:50:53  (site)

C'est vrai !

3. Florentin  le 29-09-2017 à 10:17:38  (site)

Je serais bien en peine de me souvenir du premier livre sans images que j'ai lu. Peut être "L'île au trésor", les romans aussi de James Oliver Curwood et de Jack London. J'avais sûrement, à l'époque des envies de grand large et d'aventures. Je me suis coupé les ailes depuis... Florentin

4. MarioMusique  le 29-09-2017 à 13:22:19  (site)

Très bien ! Merci.

 
 
 
posté le 25-09-2017 à 02:38:18

Le roman en cours

 

Après avoir terminé Grand-Regard et la lumière, je me suis lancé tout de suite dans le roman suivant : Quand on s'aime bien tous les deux. Tout va rondement.

 

Pour une rare fois, je n'ai pas de plan, mais des directives, selon le temps de cinq années (1966-1970) et je connais la finale du récit. J'y vais ad lib, en respectant mes directives. Il y a trois chapitres pour chacune des années et, comme d'hab', ils ont vingt pages. Cependant, quand je commence un chapitre, je ne sais pas ce que je vais écrire. Cela coule cependant comme l'eau de source.

 

Cette fiction est évoquée dans mon roman privé Horizons, alors que mon personnage Suzanne, poète étrange, travaille dans une tabagie tenue par un certain Max. Le dit Max est un gros bonhomme dans la soixantaine, laid et bedonnant. Un jour, il rencontre l'impossible : une femme tout autant grosse et laide. Coup de foudre tardif, pour ces deux malchanceux des sentiments. Suzanne se rend compte que ce duo pas très joli est composé de gens qui ont beaucoup de coeur, qui aiment leurs prochains et feraient tout pour rendre service, sans oublier une grande générosité. Dans Horizons, Max disparaît suite à une crise cardiaque, laissant Betty très ébranlée, ne pouvant réaliser le rêve de sa vie : se marier. Cependant, Suzanne demeure son amie et décide d'écrire un roman sur l'histoire singulière de Max et Betty.

Les deux aiment ce qui est bas de gamme : spectacles de blagues idiotes dans des cabarets de tierce zone, musique hawaienne et country, galas de lutte, etc. Dans ce que j'écris, les deux sont des admirateurs du chanteur Yvan Daniel, d'où le titre Quand on s'aime bien tous les deux, chanson de l'artiste.

Comme dans les romans précédents, les dialogues n'ont que quatre répliques. J'aime beaucoup cette formule directe. Le langage de ces échanges est un peu en argot, avec un beau gros mot léger de Betty : Saudit ! Écrire, c'est aussi s'amuser.

Tags: #roman
 


Commentaires

 

1. Maritxan  le 25-09-2017 à 08:05:31  (site)

Tu as l'écriture dans la peau et l'imaginaire coule dans tes veines. Je te souhaite tout le succès que tu mérites.
Amitiés

2. jakin  le 25-09-2017 à 11:17:23  (site)

Ho là ! Te voila en bien charmante compagnie pour la promotion de ton livre....S'amuser en écrivant, voilà aussi une bonne manière de rédiger....

3. Florentin  le 25-09-2017 à 11:29:12  (site)

Quand les mots arrivent comme eau de source, c'est le paradis pour un auteur. Mais, j'en connais qui ont connu l'angoisse de la page blanche. Ce n'est pas la même musique ! Je te souhaite de continuer sur la même pente ! Florentin

4. anaflore  le 25-09-2017 à 14:19:11  (site)

Quand on est en photo sur le journal ici on paye un verre !!!
Bravo

5. MarioMusique  le 25-09-2017 à 16:10:11  (site)

Merci beaucoup. Pour le problème de la page blanche, l'auteur n'a qu'à écrire sur du papier jaune.

A propos de la photo, c'est du bluff! Le journal local avait un kiosque au salon du livre, pour montrer l'équipement informatique dont ils se servaient. Il y avait la page No 1 du journal, avec les gros titres, puis un encadré. Les gens, pour cinq dollars, pouvaient écrire ce qu'ils voulaient, avec une photo qui prenait place sur la page principale d'un journal bidon. Par exemple : Roger gagne 5 millions à la loterie! Alors, la page était imprimée et Roger l'apportait à la maison pour étonner sa famille. Je vous assure qu'il y avait foule devant ce stand !

C'est exactement ce que j'ai fait, laissant croire qu'une productrice m'avait approché pour adapter un de mes romans au petit écran. La femme est une employée du journal et apparaissait sur toutes les photos.

La responsable de mon éditeur a apporté ça à son patron, qui, m'a-t-elle assuré, a bondi de joie, jusqu'à ce que la vérité sorte du sac. Alors, il m'a téléphoné pour me dire : Tu m'as eu, hein !

édité le 25-09-2017 à 22:12:52

6. Maritxan  le 26-09-2017 à 19:25:04  (site)

Je me doutais bien d'un truc de ce genre ! D'abord, la photo ne date pas d'hier, et puis, si une telle aubaine s'était produite, tu n'aurais pas omis d'en parler à tes chers lecteurs. Clin doeil1

7. MarioB  le 26-09-2017 à 20:21:39  (site)

Je pense que si certaines personnes avaient agrandi la photo pour lire le texte, il y aurait eu des interrogations. L'éditeur était vraiment tombé dans le panneau !

La photo date de 1999.

 
 
 
posté le 22-09-2017 à 15:57:19

Autobiographie de Lillian Gish : Théâtre etc.

 

 

Au début des années 1930, Lillian Gish retourne au théâtre avec beaucoup d'humilité. N'oublions que son expérience antérieure, au cours de son enfance et de son adolescence, s"était déroulée dans des troupes itinérantes, sans le lustre du réseau théâtral établi. Cependant, dès ce moment et pour plusieurs décennies, la femme trouvera des rôles, que ce soit dans des pièces populaires ou au théâtre dit classique.

Cette partie du livre est un peu décevante, car ce n'est pas ce qu'on attend d'une autobiographie relative au cinéma. Il y a aussi des passages futiles, sur les costumes, les dramaturges, etc. Cependant, je retiens surtout que Lillian avait alors retrouvé la camaraderie et l'entraide connue au début du siècle et lors de ses premiers jours au cinéma.

 

Pendant ce temps, elle demeure l'amie de DW Griffith, pour le meilleur ou pour le pire, mais toujours avec la fidélité et l'admiration pour l'homme. Griffith tourne son dernier film en 1931, avec des moyens pitoyables. Alcoolique, susceptible, l'homme rate de belles chances quand un producteur consent à lui faire confiance. Par exemple : il avait trouvé une équipe britannique désireuse de le voir diriger une version parlante de Broken Blossom. Griffith voulait confier le rôle vedette à une comédienne française, mais le producteur avait déjà choisi son actrice. Un coup de poing sur la gueule n'était pas la meilleure solution, tout comme, au début des années 1940, il avait bousculé un autre producteur.

Toujours, Griffith garde le contact avec Lilian. Celle-ci avait même écrit un scénario sur la vie de l'homme, accepté par la firme RKO, puis refusé quelques semaines plus tard. Le cinéaste allait disparaître en 1948, rongé par la tristesse. Lillian Gish réussira à diriger et produire une émission de télé d'une heure sur la vie de Griffith.

On voit très bien que le ciné n'était plus la préoccupation de Lillian Gish, mais elle a pourtant tourné dans de très bons films, qu'elle passe sous silence. De ce fait, Lillian Gish a tourné des films au cours de huit décennies du 20e siècle. Elle est décédée en 1993, à quelques mois de devenir centenaire. Bien sûr, elle sera enterrée aux côtés de sa chère soeur Dorothy, disparue en 1969. C'est d'ailleurs sur cette note que le livre se termine.

Le livre est très intéressant et, comme j'ai indiqué lors du premier article, c'est un des rares bouquins autobiographiques à ne pas être prétentieux. Il nous apprend énormément sur les premiers jours du cinéma américain.

 

 

Le dernier film de Lillian Gish est The Whales of August (1987), tourné alors qu'elle avait 92 ans. Film quelque peu rare, puisque les comédiens en vedette étaient tous âgés de 80 ans et plus : Bette Davis, Vincent Price, Harry Carey Jr, Ann Sother. Le réalisateur Lynsay Anderson lançait de touchants clins d'oeils au passé de Lillian Gish. Comme dans Les deux orphelines, la dame jouait avec Bette Davis, prétendue soeur tout autant aveugle que Dorothy. Dans une séquence de retour vers le passé, deux jeunes comédiennes interprètent Lillian et Dorothy au cours de leur jeunesse, dans un passage noir et blanc semblable à ce que tournait Griffith à la Biograph. Enfin, une séquence émouvante inspirée d'une photo des années 1920 alors que Lillian, devant son miroir, se coiffait et se maquillait. On revoit exactement la même chose, mais avec une femme de plus de 90 ans qui tient à se faire belle pour recevoir de façon distinguée Vincent Price. C'est particulier de revoir ce même regard qui avait tant séduit des millions de gens au cours de l'enfance du cinéma. 

Tags: #gish
 


Commentaires

 

1. Maritxan  le 22-09-2017 à 18:09:37  (site)

Merci pour le temps que tu as passé à nous raconter...
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2. MarioB  le 22-09-2017 à 18:20:38  (site)

J'ai donc terminé cette lecture. Suis passé à la bibliothèque pour emprunter le tout premier livre que j'ai lu dans ma vie (en omettant les BD de mon enfance!)

 
 
 
posté le 20-09-2017 à 23:45:15

Autobiographie de Lillian Gish : Une jeune femme sérieuse

 

 

Le cinéma sans Griffith devenait possible pour Lillian Gish, mais l'influence de l'homme demeurera dans son esprit pour le reste des années 1920. En premier lieu, elle s'associe avec une petite maison de production et va tourner deux films en Italie. De retour en Amérique, la MGM naissante lui fait signe et lui offre un contrat de un million de dollars par année. Moins de quinze années plus tôt, elle touchait cinq dollars par jour à la Biograph. Les relations sont d'abord harmonieuses avec MGM, grosse maison, mais avec une vision commerciale conservatrice. Lillian Gish, comédienne dramatique par excellence, tourne des films sérieux, la plupart basés sur des oeuvres littéraires ou théâtrales. Parallèlement, elle rencontre de graves difficultés, escroquée par un gérant, à qui elle fait un procès. Comme elle le gagnera, l'homme la harcèlera de procès en procès. De plus, elle doit s'occuper de sa mère gravement malade.

Après quelques tournages, la MGM fait de plus en plus d'ingérance dans les films choisis par leur vedette, particulièrement la production de 1928, The Wind, aujourd'hui considérée comme un classique de l'art silencieux. Mais à l'époque, le film est mis sur les tablettes pendant une année, car Lillian refusait de tourner une finale heureuse. Un directeur de la MGM, pour relancer sa carrière, lui proposa ceci : "Laissez-moi vous organiser un beau scandale, pour faire parler de vous." Non! Une négation de trop. Notons que Lillian Gish avait toujours refusé de se prêter au jeu des potins, à celui de la vie mondaine hollywoodienne. Lors des tournages pour la MGM, elle a du mal à s'adapter aux productions modernes où elle avait peu de liberté dans sa gestuelle, alors que chez Griffith, elle avait appris à tout faire par elle-même. Lillian Gish, après son NON, était sans contrat. Elle a tourné un film sonore en 1930, cherchait à poursuivre, mais fut attirée par un amour de jeunesse : le théâtre. J'y reviendrai, avec aussi un paragraphe sur le destin de Griffith.

The Wind est le seul film MGM que je connaisse de Lillian Gish. Elle joue une femme qui contracte un mariage de raison et va s'établir dans uns zone désertique où il y a de forts vents incessants, qui finissent par la faire craquer. Le doulce Lillian, pour la première fois, devient vilaine et tue un homme. En pleine tempête de vent, elle enterre le cadavre, mais le vent ne cesse de repousser le sable, rendant visible sa victime. Il faut voir le regard terrifiant qu'elle lance alors. Plus expressif que ça, c'est impensable! Un film exceptionnel.

 

 

 

Voici de quelle façon la comédienne décrit sa participation dans The Wind.

 

 

Le tournage de The Wind fut l'une des pires expériences que j'ai vécues au cinéma. Le sable était projeté sur moi par huit hélices d'avion, et on utilisait aussi de grosses quantités de produit soufré pour donner l'illusion d'une tempête de sable. J'avais des brûlures et je faillis perdre la vue. Mes cheveux étaient desséchés par le soleil brûlant, et gravement abimés par les vapeurs de soufre et le sable.

 

 

Tags: #gish
 


Commentaires

 

1. jakin  le 21-09-2017 à 12:01:58  (site)

Intéressant tous ces articles sur le cinéma....

2. MarioB  le 21-09-2017 à 13:23:22  (site)

C'est le partage d'une lecture à mesure que je franchis les chapitres. On ne peut dire que cela rencontre le succès...

3. Maritxan  le 22-09-2017 à 17:57:24  (site)

@MarioB:
Détrompe-toi ! Je lis avec beaucoup d’intérêt cette autobiographie de Lillian Gish et cela depuis le début de cette série. Pourtant, comme tu le sais, je ne manque pas de lecture en ce moment. J'ai entamé le pain de Guillaume. Sourire1.
Merci de ce nouveau partage ! @+

4. MarioB  le 22-09-2017 à 18:21:34  (site)

Ah, Guillaume, ce cher poltron !

 
 
 
posté le 20-09-2017 à 12:54:02

Autobiographie de Lillian Gish : La glace et l'orpheline

 

 

Le succès de Broken Blossom sera suivi par deux autres réussites commerciales, mais fera naître un léger conflit entre DW Griffith et Lillian Gish. La comédienne s'était opposée au projet suivant de son mentor : un mélodrame paysan du 19e siècle, intitulé Way Down East, qu'elle jugeait idiot. Sauf que Griffith a encore gagné, bien que le film devait surtout son succès à la scène finale, alors que Lillian est emportée par la débacle d'une rivière glacée.

Griffith propose alors Faust, mais Lillian l'assure que cette histoire, au théâtre, n'a jamais attiré le public vers les salles américaines, au contraire de son idée : le classique français Les deux orphelines. Le réalisateur accepte, mais campe cette fiction dans le cadre de la Révolution française. Griffith retourne à la mégalomanie : grands décors, costumes élaborés, scènes de foule, etc. Ce sera le dernier succès de Griffith et l'homme entreprendra un lent déclin. Malgré que les foules se soient pressées pour ces deux films, le réalisateur était toujours lourdement endetté, ce qui lui enlevait une certaine liberté dans ses projets. Les deux orphelines sur le marché, Griffith fait venir Lillian Gish à son bureau, pour amicalement lui suggérer de poursuivre sa carrière à sa façon, car il ne pouvait plus la payer. Déçue, la comédienne acceptera, se souvenant que le réalisateur avait fait la même chose avec des actrices qu'il avait lancées et qui se sont illustrées ailleurs, telles Blanche Sweet, Mae Marsh et Mary Pickford. La collaboration entre Lilian et Griffith aura duré dix années, mais leur amitié allait survivre pour le reste de leurs vies.

 

 

 

 

La scène finale de Way Down East. Ce n'est pas un mannequin, ni une doublure et il n'y a pas de trucage. C'est bel et bien Lillian Gish couchée sur la glace, à la dérive d'une rivière, au coeur de l'hiver. Bien sûr, il y avait de la sécurité l'entourant, mais elle a insisté pour que cette scène soit réelle.

 

 

 

 

Lillian et sa soeur Dorothy, dans Orphans Of The Storm (Les deux orphelines). Lillian n'avait pas apprécié que Griffith lui dise "Vous désirez avant tout tourner avec votre soeur." Dorothy Gish n'avait pas la renommée de Lillian, mais tournait surtout des comédies légères, appréciées par le public. À la manière de Birth Of A Nation, ce film donnera lieu à des scènes de protestation... en France. Certains français n'avaient pas apprécié que l'Américain présente une image sombre de la vie de l'Ancien Régime.

 

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posté le 19-09-2017 à 01:24:22

Autobiographie de Lillian Gish : Émotion

 

 

Après avoir tourné ce film de guerre en France, Lillian Gish revient en Amérique en devenant la comédienne de pleine confiance de DW Griffith. Ce sera pour elle le début d'une phase très prospère. Griffith ne la dirigeait plus, sauf pour lui indiquer ses déplacements, car Lillian concevait elle-même la nature de son personnage, sans la communiquer au réalisateur. Dans son premier film de retour, True Heart Susie, elle joue une jeune fille que chacun croit idiote, mais qui ne l'est pas du tout, tant la comédienne arrive à nuancer son personnage. Cependant, l'actrice atteindra son sommet avec le film Broken Blossom (Le lys brisé.)

Un film extrêmement sobre de la saga Griffith, avec seulement trois personnages en vedette, sans foules, sans clinquant ni grands décors. Le mélodrame se déroule à Londres dans le brouillard et Griffith offre des tours de magie avec l'éclairage. Lillian Gish approchait de ses trente ans quand elle doit jouer cette jeune adolescente, battue par son père violent et alcoolique, puis protégée par un Chinois au grand coeur, qui tombe amoureux de la jouvencelle. Soit dit en passant : un autre film pour prouver que Griffith n'était pas raciste, bien que notre Oriental était joué par un Blanc, de façon d'ailleurs très crédible. C'est un film qui mêle la délicatesse et l'émotion brute à des scènes plus rudes, dont le sommet suivant.

Lillian Gish est prisonnière d'un placard, que son père cherche à défoncer à coups de hache. La comédienne montre une peur horrible avec seulement son visage, puis des gestes étranges la faisant ressembler à un écureuil pris dans une cage rotative. Après avoir tourné la scène, Griffith est demeuré silencieux, stupéfait, n'ayant jamais vu une telle chose de la part d'une de ses comédiennes.

Le film présentait aussi une autre initiative de Lillian Gish. Son père lui reprochait de ne jamais sourire, alors la femme prend deux doigts et dessine un sourire en tirant ses lèvres vers le haut. De nouveau, Griffith demeure bouche bée. Le livre révèle un secret de tournage : Lillian Gish était très malade, avec les symptomes de la grippe espagnole, mais a insisté pour tourner. Elle portait un masque hygiénique dans le studio.

Griffith a tardé à faire le montage du film, le trouvant trop démoralisant. Cependant, se mettant au travail, il est convaincu du contraire, pensant surtout à l'extraordinaire jeu émotif de sa vedette. Le film était produit par la Paramount, qui le refusa, parce que les trois personnages principaux mouraient tous. Alors, Griffith, de nouveau, s'est endetté en rachetant son propre film pour le faire distribuer par la United Artists naissante. Broken Blossom tiendra l'affiche pendant longtemps et semble-t-il qu'il a fait pleurer des millions de spectateurs. Ce film a gardé sa force émotive, près de cent années après sa sortie. C'est à voir absolument : un sommet dans l'art du film silencieux.

Une anecdote avec le film suivant, réalisé par... Lillian Gish, sa seule expérience dans ce travail. Elle dirigeait sa soeur Dorothy dans une comédie. Il devait y avoir une scène tournée dans les rues de New York, mais l'autorisation municipale tardant à arriver, la comédienne a décidé de tourner quand même. Mais voilà qu'approche un policier, pas du tout content, pressé de demander à ces gens s'ils ont une autorisation pour filmer. Voyant Lillian Gish, le policier n'a rien dit, puis a placé deux doigts au sommet de ses lèvres en les remontant, tout comme dans Broken Blossom, avant de dire "Continuez."

 

 

Scéne de rue de Broken Blossom.

 

 

L'émouvante scène de la poupée, chez le Chinois. Notez l'éclairage magnifique.

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posté le 18-09-2017 à 16:25:16

Autobiographie de Lillian Gish : La guerre

 

 

Il est curieux de constater qu'après avoir dénoncé la guerre dans Birth Of A Nation et dans Intolérance, DW Griffith tourne quelques films sur le conflit 14-18. Il faut comprendre que l'homme était ruiné et qu'une offre était irrésistible : tourner un drame avec une partie documentaire, financé par l'armée alliée franco-britannique. Griffith traverse en Europe en compagnie des soeurs Gish, de leur mère et d'un comédien. Une fiction avait été prévue, alors que les Gish sont des paysannes françaises tentant de fuir la colère allemande. Griffith avait l'autorisation de l'armée pour filmer dans les tranchées et se servir des soldats disponibles. Hearts Of The World a donc été tourné en France.

L'expérience fut difficile pour le clan Gish. La maman vivra progressivement dans la peur et Dorothy passera sa vie à craindre toute explosion, ayant vécu un bombardement à Londres et d'autres en France. Il y aura aussi un aspect éprouvant pour le cinéaste, alors que des soldats lui servant de guides sont attaqués et tués par les ennemis.

De retour aux États-Unis, Griffith tourne aussi des courts métrages de propagande, dont un, malheureusement disparu, était une réponse aux accusations de raciste, alors que deux soldats, un Blanc et un Noir, sont seuls en territoire ennemi, le Blanc sauvant le Noir, mais le Blanc, atteint d'une balle passe les derniers instants de sa vie sous l'affection du Noir.

Lillian Gish rapportera d'Europe un certain souvenir... dont je vous parlerai dans l'article suivant, qui sera la période d'or pour la comédienne. La photo ci-bas : un extrait de Hearts Of The World.

 

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posté le 17-09-2017 à 13:47:50

Autobiographie de Lillian Gish : Grandes productions

 

Griffith étant libre de ses décisions, avec des budgets plus imposants, il se lance dans une production inédite, avec l'idée première qui deviendra une des normes du cinéma hollywoodien : un film de longue durée, avec une distribution colossale, mais aussi, pour la première fois, une trame sonore écrite pour le film. Ce sera Birth Of A Nation, de 2 heures 45 minutes, racontant un épisode de la guerre civile américaine, mais du côté des perdants. On y croise une incroyable scène de combats de guerre, beaucoup d'émotions.

Le film fut un triomphe. Jamais le public n'avait vu une telle chose car, jusqu'alors, le cinéma était plus ou moins une reproduction de l'univers théâtral. Ce film allait changer le visage du cinéma yankee.

Par contre, Birth a créé une forte polémique, provoquant des émeutes, sera interdit dans plusieurs grandes villes, à cause de sa seconde partie, nettement raciste, avec le triomphe du KKK. Griffith passera les années suivantes à proclamer qu'il n'était pas raciste, cela par la voie d'autres films. Quant à Lillian Gish, elle accompagne son héros dans chaque facette de ce projet fou et deviendra une comédienne bien en vue à partir de ce film.

Une des premières réponses aux accusateurs de Griffith fut le film suivant : Intolérance. En quatre épisodes historiques, Griffith présente des exemples honteux de la saga de l'humanité. Le film d'origine durait plus de cinq heures, mais les producteurs lui ont ordonné de réduire ce temps. Comme dans le cas de Birth, le cinéaste avait dépassé la somme accordée, si bien qu'il s'est endetté pour terminer ses films. Intolérance a dérouté le public. De plus, le tout a été commercialisé au début de la guerre 14-18 et voilà un film qui racontait la bêtise de tels conflits. Le public n'a pas suivi, sauf en... Union soviétique! Lillian Gish a un tout petit rôle dans Intolérance, mais elle participera à toutes les étapes de la production et passera ce temps aux côtés de Griffith, comme conseillère. À peine dans la vingtaine, la jeune femme connaissait maintenant toutes les ficelles du cinéma. Après ces deux films, Griffith se penchera vers des projets moins mégalomanes.

 

Vous pouvez regarder Intolérance sans problème aujourd'hui et admirer la créativité extraordinaire de ce film. Par contre, pour Birth Of A Nation, contentez-vous de la première partie. Lors du centenaire de ce film, il provoquera de nouveau des rassemblements de protestation.


 

 

Le décor gigantesque de l'épisode babylonien d'Intolérance. Notez qu'il y a des gens partout, dans ce décor, cela jusqu'à la passerelle du sommet. Notez la petitesse des figurants à la base des éléphants. Cela donne une idée de la masse de ces bêtes.

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posté le 15-09-2017 à 16:32:24

Autobiographie de Lillian Gish : Initiation au cinéma

 

 

Comme beaucoup de comédiennes de théâtre, les soeurs Gish méprisaient le cinéma et elles sont arrivées dans ce domaine par hasard, visitant le studio Biograph à New York pour saluer une copine de route, qui sera célèbre sous le nom de Mary Pickford. D'ailleurs, même après avoir tourné leur premier film, les adolescentes cherchaient toujours des rôles au théâtre. Cependant, les films leur apportaient une certaine sécurité : un salaire journalier de cinq dollars.

Dans les chapitres que j'évoque ici, Lillian poursuit la distribution des fleurs au réalisateur DW Griffith et nous apprend deux ou trois choses étonnantes sur l'enfance du septième art.

Par exemple : oui, les courts métrages de dix à quinze minutes avaient des scénarios, la plupart du temps des résumés d'une histoire, mais ces scénarios n'étaient pas distribués aux comédiens. Ceux-ci entraient à la Biograph le matin en ne sachant pas ce qu'ils et elles allaient faire. Griffith réunissait sa troupe et leur faisait répéter des scènes, leur commandant de mimer la joie, la peur, etc. À la fin de la répétition, l'homme désignait les comédiens qui feraient partie du film tourné le lendemain, mais ces personnes ne savaient toujours pas de quoi il s'agirait. Les gens non élus pouvaient tout de même se présenter pour aider les techniciens, les maquilleuses, tout le personnel, et ils seraient payés le même prix que le comédien choisi pour la production.

Les studios de cinéma étaient tous situés dans l'est. L'hiver venu, certaines équipes s'en allaient en Floride ou à Cuba, d'autres vers la Californie, dans une banlieue de Los Angeles du nom de Hollywood. C'était le cas de l'équipe de Griffith. La population de la petite communauté était heureuse de ces visites excentriques, car ils pouvaient louer leur jardin, leur maison pour un tournage. Ils avaient l'habitude d'assister calmement au travail.

En 1914, Griffith tourne un film d'une heure intitulé Judith de Béthulie. La Biograph décide de présenter le tout en quatre parties. C'en était trop pour le réalisateur. De plus, il n'aimait pas que la Biograph entretienne l'habitude des années 1900-1910 : il n'y avait pas de générique. Personne ne connaissait les noms des comédiens, du réalisateur. Ayant sa réputation via la presse, Griffith quitte la Biograph pour se joindre à un puissant distributeur désireux de se lancer dans la production : la compagnie Mutual, qui venait de mettre la main sur Charlie Chaplin. Les comédiens de la troupe n'étaient pas liés à la Biograph. Ils ont tous décidé de suivre Griffith. Mais ceci, c'est pour le prochain chapitre.

 

Un extrait : les premières impressions de Lillian Gish sur le cinéma :

Le cinéma était un monde étrange, déroutant, totalement différent de ce que nous avions connu jusqu'alors. Mais tout nous fascinait, au point que nous pouvions travailler dix à douze heures d'affilée sans voir le temps passer. Il n'y avait jamais de script à étudier, ni de texte à apprendre par coeur. Tout semblait surgir spontanément du cerveau de monsieur Griffith. Il était le pivot de tout ce que nous faisions, il nous cajolait, nous encourageait, nous lançait des défis.


 

Les soeurs Gish, adolescentes, dans leur premier film : Unseen Enemy, de 1912. Lillian est au premier plan et Dorothy derrière.

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Commentaires

 

1. Nikole-Krop  le 17-09-2017 à 12:06:54  (site)

Souvent, aujourd'hui, les actrices, les acteurs font du cinéma ET du théâtre ; je ne parviens pas à "me rendre compte"si ce sont deux métiers différents, je veux dire si ce sont des métiers, "hormis le talent", qui demandent des compétences différentes... Mais j'ai plus d'admiration pour le théâtre, qui me semble plus près de la "réalité" dans le travail à fournir qu'il réclame.

2. MarioB  le 17-09-2017 à 12:53:06  (site)

C'est encore le cas aujourd'hui. J'imagine que le théâtre provoque une réaction immédiate de la part du public. Au cinéma, si tu bafouilles, tu as l'occasion de recommencer. Pas au théâtre.

Dans le livre, la Biograph imposait de temps à autres une vedette du tĥéâtre, pour que le cinéma paraisse plus prestigieux et Griffith avait un mal fou à les faire jouer. A une occasion, un de ces comédiens, très réputé, s'est rendu compte qu'il avait l'air ridicule et, humblement, il avait demandé à Griffith de lui enseigner.

 
 
 
posté le 14-09-2017 à 01:31:20

Arrivée de poche

 

 

Mercredi après-midi, on cogne à ma porte. Un livreur me tend un petit paquet, mais je ne savais pas ce qu'il pouvait contenir, jusqu'à ce que je regarde l'adresse de l'expéditeur. "Ah, ce sont mes copies du roman 2013 en format poche." J'ai ouvert le tout, regardé, puis déposé tout ça sur ma table, et l'enveloppe sur le plancher pour que le chat puisse jouer. Puis je suis retourné à mon ordinateur. Il faut avouer que j'ai déjà démontré davantage d'enthousiasme face à l'arrivée d'un roman!

 

 

J'ai tout de même regardé. La première chose que j'ai vue m'a enchantée : ils ont enlevé ces fichues étoiles dont l'une rouge, signifiant que ce livre était le premier tome d'une série. Cet éditeur avait commis une telle chose sans m'en parler, même si je lui avais alors signalé que c'était un roman complet, avec un début et une fin. J'ai passé les années suivantes à répondre à cette question d'inconnues :"Quand va paraître le tome 2" Grrrrr... "Non madame, il n'y en a pas et il n'y en aura pas."

 

 

Derrière, ils ont sabré dans le résumé. Une bonne idée. Ils ont ajouté une critique d'une ligne parue dans un journal que je ne connais pas. Première nouvelle! À ma grande surprise, le format poche a plus de pages que le format régulier. Ils ont pourtant tout rapetissé : le dessin de la page couverture, collé les paragraphes et même enlevé les guillemets au début et à la fin des dialogues. Grammaticalement, il doit y en avoir. Aucun drame, cependant. Certaines pages étaient collées, ce qui signifie surtout que le tout sort à peine de l'imprimeur. Alors, j'ai sniffé le livre. Oui, ça sent l'encre fraîche !

 

Je ne connais pas le nombre de copies imprimées et n'ai pas l'intention de leur demander, car je suis certain qu'ils sont furieux contre moi parce que j'ai répondu deux fois non à leur offre du début d'août : publier en format poche mon roman 1998 sans considérer mes modifications et publier mon texte Madame Antoine en deux parties.

 

Je n'ai jamais trop aimé ce roman qui avait un beau titre, L'amour entre parenthèses, remplacé par les Bonnes Soeurs, expression qui n'était pas représentative du contenu. J'avais proposé ce texte parce qu'il était plus court que les autres manuscrits alors soumis.

 

À mes yeux, ce format poche, vendu à bas prix, peut surtout aiguiller des consommateurs vers mes deux plus récents romans, Le Pain de Guillaume & Gros-Nez le quêteux, des échecs en librairie et qui auraient mérité un meilleur sort.

Tags: #roman
 


Commentaires

 

1. gegedu28  le 14-09-2017 à 04:09:52  (site)

Salut Mario,
Ainsi tu es écrivain, c'est smiley_id117199.
Bon, va falloir que je m'y attable, que je m'y mette à écrire, ce n'est pas les sujets qui me manquent, et en plus on m'en a fait la demande.
Alors, peut-être à bientôt.
Amitiés de Beauce.
Gégédu28

2. jakin  le 14-09-2017 à 12:05:51  (site)

Salut Mario, le fait que les bonnes sœurs soient réduite pour être mises en poche me rassure...Je vais pouvoir dire que j'ai mis un couvent dans ma poche !

3. MarioMusique  le 14-09-2017 à 13:41:35  (site)

J'aurais du mal à lire ce format, car les caractères sont petits.
Merci à vous deux.

 
 
 
 

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