La pièce est un salon, mais ce qui s'y trouve a peu à voir avec cette fonction. Cette pièce est près d'une porte coulissante donnant sur un balcon. Ma chatte adore et, l'automne et le printemps venu, je me permets une brise. L'ordinateur principal est celui où il y a une pile de disques devant. Ce sont ceux que je viens d'écouter et que je n'ai pas rangés. Pourquoi le second ordinateur ? Pour les téléchargements, un point c'est tout. Derrière la lampe se cache une stupidité de téléphone. L'imprimante est à droite, sur un autre meuble, mais on n'en voit que l'extrémité. Mon fond d'écran est un chat.
Henry David Thoreau était un penseur américain du 19e siècle et aussi un amant de la nature. En 1850, il passe dix jours au Québec, arrivant à Montréal pour se diriger vers Québec et ses environs. Ce récit de voyage a été publié après son décès et traduit au Québec en 1996, par Adrien Thério, publié chez Stanké. (116 pages.)
J'ai une relation d'amour et de haine pour ce livre. Allons-y pour l'amour : de superbes descriptions de la nature, une admiration sans bornes pour le fleuve Saint-Laurent. Thoreau s'était documenté sur l'histoire du Canada. On y croise des passages croustillants sur les paysans québécois d'alors, qui portaient tous des bonnets de laine. On y apprend aussi que les maisons rurales n'avaient pas de porte sur le devant. À la campagne, tout le monde se déplaçait à l'aide de petites voitures mues par des chiens. Enfin, il n'y avait pas de restaurant dans la ville de Québec.
Pour la haine, il y a chez l'auteur un net "esprit de supériorité" de l'Américain face à un autre peuple. Eh oui ! Tout comme aujourd'hui ! Je dois cependant admettre que Thoreau se montre aussi cynique envers son propre peuple. Il considère comme moyenâgeuses la présence et les comportements des militaires de la ville de Québec (ce qui n'est pas faux) et que le Québec d'alors avait un net retard sur la société nord-américaine. Les Québécois sont tour à tour malpropres et ignorants. L'auteur se voit aussi étonné de constater qu'on ne parle pas anglais à Québec. Il y a, de nos jours, des Américains qui pensent la même chose.
Lors de son retour dans son pays, les Américains, à bord du train, s'amusaient ferme des Canadiens croisés. À propos de ce voyage : douze heures pour passer du Connecticutt à Montréal ! Le chemin de fer n'en était qu'aux jours de sa petite enfance...
Un extrait : jour de marché à Québec.
Cette place du marché, sur le bord du fleuve, où les vieilles femmes s'assoient à leurs tables, en plein air, au milieu d'une foule dense, baragouinant toutes les langues, était le meilleur endroit à Québec pour observer les gens ; et les traversiers allant et venant continuellement avec leur équipage et leurs cargaisons bigarrés ajoutaient beaucoup de divertissement. Je les ai vus aussi aller chercher de l'eau au fleuve, car Québec s'approvisionne d'eau au moyen de charrettes et de barils.
1. jakin le 12-11-2015 à 11:00:28 (site)
Bonsoir Mario, On pourrait en dire autant de certaines provinces des États Unis qui encore aujourd'hui vive comme au début du 19ième siècle. Mais c'est plus facile de voir la paille dans l’œil du voisin que la poutre dans son propre œil....
2. MarioMusique le 12-11-2015 à 13:02:30 (site)
Ils ne sont pas tous ainsi, mais il y en a beaucoup. Je me souviens de certains joueurs de baseball échangés à l'équipe que nous avions à Montréal et qui avaient fait des siennes parce que l'affichage dans la ville était en français.
Je me souviens avoir fait une telle chose, mais une seule fois dans ma vie : commencer un nouveau roman alors que le précédent n'est pas terminé. Cependant, il achève! Je dois dire qu'il ne n'enthousiasme guère... L'idée de débuter une nouvelle aventure est motivée par la température. Il commence à faire froid pour fréquenter le parc. Autour de dix degrés, parfois moins, et mon stylo devient plus difficile à tenir. Dans une semaine, peut-être, il y aura beaucoup de pluis ou de la neige et je ne pourrai plus me rendre "à mon bureau d'écrivain du parc du Moulin" et j'ai pensé que le lieu était excellent pour commercer un roman. Alors, je vais valser sur deux fronts pendant une douzaine de jours.
Vous aurez deviné que la photo ci-haut a été prise au cours de l'été. Ce n'est pas un règlement, mais je prends souvent place sur le banc que vous voyez.
L'idée de ce roman m'est venue à cause de cette série d'articles sur l'Expo 67 que je vous ai présentés, il y a quelque temps. Fouiller dans tout ce que je possède relativement à cet événement m'a rappelé des jolis moments, que je pourrai attribuer à mon jeune personnage vedette, sans oublier que je vais glisser des éléments que je connais à propos d'Expo 67. Pas tout à fait un récit autobiographique, mais il n'y a pas de mal à se servir de mes souvenirs. Le roman n'a pas encore de titre. C'est l'histoire d'un garçon de treize ans, quelque peu encore enfantin, mauvais étudiant, et qui va rapidement développer une passion pour l'Expo qui l'aidera, sans s'en rendre compte, à délaisser l'enfance, à s'intéresser aux découvertes et le tout fera de lui un meilleur étudiant et un adolescent qui laissera enfin tomber les jeux de garçonnet. S'agira de glisser une petite amourette dans le décor, puis de parler de sa famille, de la société québécoise de 1967. Cela pourrait être très bien. Un plan a été établi, mais il est informel. Par contre, dès le départ, la galerie des personnages est élaborée et je lui demeurerai fidèle.
1. jakin le 10-11-2015 à 11:22:39 (site)
Bonsoir Mario, C'est un excellent bureau pour écrire des histoires....La nature y est apaisante....
2. MarioB le 10-11-2015 à 12:23:51 (site)
Parfois, je m'installe sur le sol, sous un arbre. C'est un lieu paisible, même s'il y a un boulevard tout près.
3. Florentin le 11-11-2015 à 16:54:58 (site)
Bon courage donc ! Mais, bon, quand les idées fusent, ce doit être le pied. Surtout dans un cadre aussi champêtre que celui-là. J'avoue que, personnellement, je n'ai jamais pu écrirre aue part qu'assis à un bureau ! Je n'aime pas être troublé par l'environnement. Je n'aime penser qu'à ce que je fais. A chacun s méthode évidemment. A plus. Florentin
4. MarioB le 11-11-2015 à 17:18:40 (site)
Pendant longtemps, je l'ai fait dans des cafés bruyants. Merci pour ce commentaire.
Chez moi, il y a une pièce qui me sert de bureau de travail. En réalité, ce serait plus juste de la désigner comme un entrepôt de disques. Un mur complet, du plancher jusqu'au presque plafond, présente la plus grande partie de ces disques. C'est la photo que vous voyez (Elle est incomplète). Ce n'est pas tout ! Sur le mur opposé, il y a aussi des tablettes semblables, mais moins longues. Vous en voulez encore ? Il y en a pour la peine dans mon salon et un certain nombre dans ma... chambre à coucher. Je sais que ces murs de disques font sursauter les visiteurs, les incitant à poser la grande question : "Hé, tu dois avoir tel disque, hein !"
Bien que tous ces CD soient répertoriés dans un fichier informatique, je ne peux dire précisément combien j'en possède, car, par exemple, j'ai des compilations de blues ou de jazz, mais elles sont indiquées comme "Volume 1 à 90", mais ne prennent qu'une ligne dans le fichier. Cependant, je ne cours aucun risque à dire que je possède 8000 disques. Aucun microsillon 33 tours ni de 45 tours, sinon des reliques de mon ancienne collection, qui comptait à peu près le même nombre d'éléments, mais que j'ai graduellement vendue au début des années 2000.
1. jakin le 09-11-2015 à 11:29:34 (site)
Bonsoir Mario, chez toi c'est une vraie mine d'or, tu devrais faire pâlir la plus grande des Médiathèque du Québec !
2. MarioB le 09-11-2015 à 13:35:21 (site)
En 1989-1990, une station de radio de ma ville avait fait appel à mes services pour une émission du type souvenirs musicaux parce que j'avais plus de disques qu'eux. Je me rendais là-bas avec mes disques !
3. Nyxie le 11-11-2015 à 03:13:25 (site)
Moi qui cherche à me débarrasser d'une centaine de disques anciens 33 et 45 tours, dommage que nous soyons si éloignés !! car ils vont finir dans une déchetterie comme beaucoup de rebuts malheureusement. Impressionnant ton mur discothèque !!
Bravo..
4. Nikole-Krop le 11-11-2015 à 03:53:07 (site)
C'est fascinant, absolument fascinant !!
5. MarioB le 11-11-2015 à 06:53:43 (site)
Nikole, c'est sûrement facile de vendre ces disques dans une grande ville comme la tienne. Il y a beaucoup de gens qui cherchent des 33-45 sous prétexte que c'est ainsi qu'on disque doit être entendu. Il s'agit de visiter des boutiques d'usagés, de passer une petite annonce dans un journal.
Mes disques vinyles, je les ai vendus à seulement trois personnes, graduellement, qui venaient en chercher toutes les semaines.
6. Nikole-Krop le 11-11-2015 à 13:26:44 (site)
Mario, je pense que la réponse que tu me fais était destinée à nyxie. Paske moi, je ne t'ai pas causé de revente ! :-))
8. Florentin le 11-11-2015 à 16:57:18 (site)
Punaise ! Vaut mieux pas que tu deviennes dur d'oreille !
édité le 11-11-2015 à 22:57:36
J'ai créé mon premier roman à l'âge de 16 ans. Il portait d'ailleurs le titre Le récit de nos seize ans. Il s'agissait des aventures d'un jeune couple, Bucky et Jenny, en 1956, dans la ville industrielle de Manchester, au New Hampshire, où je venais de séjourner. Au-delà du mot Fin écrit à la dernière page, j'allais créer un monstre qui, petit à petit, fera de moi un écrivain. Comme je trouvais les personnages sympathiques, j'ai poursuivi de façon informelle et improvisée, sous le titre de Jenny de Manchester. J'allais le faire jusqu'au milieu des années 1990, alors que le roman adopte un troisième titre : Horizons. Grâce à ces improvisations, j'ai appris quelques trucs dont je me servirai pour mes romans publiés. De plus, volontairement ou pas, certains personnages des romans commercialisés sont des variations de ceux croisés dans Récit/Jenny/Horizons.
Cependant, avec mes études universitaires et parce que je m'étais lancé à fond dans la série de romans qui allait être acceptée par un éditeur, j'ai peu à peu délaissé Horizons. Avec le recul, beaucoup de passages de ces milliers de pages me gênaient, me faisaient honte, si bien qu'il y a quelques années, j'ai fait ce que je n'avais jamais cru possible : j'ai tout jeté, bien que j'avais numérisé certains passages.
Le premier janvier 2005, sans y avoir réfléchi, j'ai recommencé Horizons, toujours en improvisant, mais avec mon expérience d'auteur publié, avec la sagesse de mon âge. Le récit est davantage réaliste et je n'aurais pas honte de faire lire ce roman secret, qui n'est cependant pas du tout destiné à la publication. Les personnages de base sont demeurés, d'autres se sont ajoutés et un grand nombre n'existe plus.
Écrire des petits bouts de Horizons est la dernière chose que je fais chaque jour, avant de me mettre au lit. Depuis 2005, il y a eu autour de 2000 pages, dans six parties. Écrire sur ces personnages représente un des plus grands plaisirs de ma vie.
Tentative de résumé de l'histoire ? Le couple amoureux, Jenny et Bucky, existe toujours et représente un peu le centre de tout le truc. S'ajoutent des jeunes musiciens et leur désir de réussite sur la scène folk et populaire. Enfin, le personnage principal : Suzanne, poète marginale, femme étrange, qui fume à la chaîne, boit sans cesse du café, vit la nuit et a un langage et des attitudes bizarres. Un des personnages les plus extraordinaires de tous mes romans !
Le dessin ci-haut était une page couverture d'un des tomes de Jenny de Manchester.
Sur mon blogue Extraits romanesques, je propose des extraits de Horizons. Le premier m'est très sympathique :
http://marioextraits.eklablog.com/manuscrit-horizons-a36840243
Le deuxième extrait : Intervention typique de Suzanne :
http://marioextraits.eklablog.com/manuscrit-horizons-a37686941
1. jakin le 03-11-2015 à 12:34:42 (site)
Avec cette persévérance dans l'écriture depuis ton adolescence, il est normal que tu sois devenu écrivain....
2. MarioB le 03-11-2015 à 16:06:32 (site)
Tu sais, à ce moment-là, je ne pensais pas du tout à une telle chose.
3. Florentin le 06-11-2015 à 10:32:49 (site)
A chacun ses tocs ! Toi, c'est l'écriture ! C'est une bonne et heureuse "maladie". J'aime bien les mots et il m'est souvent arrivé d'écrire. Y compris professionnellement. Mais, 2000 pages, non merci ! Trop, c'est trop ! Bravo en tout cas ! Pour ton imagination, ton courage et ta persévérance ! Florentin
édité le 06-11-2015 à 16:33:15
4. MarioB le 06-11-2015 à 12:25:51 (site)
Écrire Horizons, c'est comme prendre un thé ou un café après un repas. Merci.
L'école de l'enfance comptait sept niveaux d'apprentissage, répartis en autant d'années. Il y avait à l'école Saint-Eugêne deux classes pour chaque niveau. Que trois religieux en poste : le directeur et deux enseignants. Le reste du personnel était féminin. De bons souvenirs des "Mademoiselles", particulièrement mademoiselle Huguette, dont j'étais amoureux. Les deux frères enseignaient au dernier niveau. Donc, les gamins grandissaient en voyant sans cesse ces deux hommes et portaient des jugements, souhaitant pour la grande finale avoir l'un ou l'autre. Il y avait le frère Bovril, lequel mot est une marque d'un bouillon de boeuf. 'Souviens plus de son nom ! Pas plus de celui du frère Charles. Ce dernier faisait peur aux enfants. Je ne voulais surtout pas atteindre sa classe !
Il était costaud, ne souriait jamais, parlait promptement. Je me souviens surtout que lors des récréations, il prenait un bâton de baseball et que tous les gars se reculaient très loin, car le frère frappait la balle avec une immense force. Malchance qui est devenue chance : le frère Charles serait mon enseignant de la phase terminale.
Oui, en classe, il s'exprimait promptement et sans sourire. Cependant, c'était facile de voir que cet homme aimait beaucoup son métier. Même si sa voix tonnait, il n'a jamais utilisé cette arme pour abaisser un élève, pour lui adresser des reproches. Il était fascinant à voir évoluer, à écouter. Comme je lui avais dit que je me dirigerais au séminaire pour les plus hautes études, le frère Charles ne s'était pas privé pour me donner des conseils avec la plus grande gentillesse.
Quelques années plus tard, à l'adolescence, et passant sur la rue de l'école avec deux copains, nous avions vu l'homme dans son jardin, à la résidence des frères. Il nous avait tous reconnus et nous avait servi des verres de limonade, en retour d'un peu de notre temps pour savoir ce que nous étions devenus. "Mario ? Et le séminaire ?" Déçu d'apprendre que je ne fréquentais plus ce lieu, mais heureux de savoir que j'avais trouvé ma voie dans la grande polyvalente de béton. Le frère Charles était un homme de bon coeur et j'ai tant aimé cette année en sa compagnie, que j'ai fait de cet enseignant un personnage qui apparaît dans mes romans Ce sera formidable et Le petit train du bonheur, si bien qu'une ex-maîtresse, à la retraite, l'a reconnu et s'est empressée de me rencontrer lors d'un salon du livre de Montréal pour me parler de lui.
J'ai déjà écrit un article sur ma malheureuse expérience comme étudiant au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, au début de mon adolescence. Beaucoup de complexes sont nés à cause du climat du lieu et aussi parce que j'étais passé d'élève moyen à cancre. Un seul professeur a retenu mon attention, surtout parce qu'il se montrait gentil à mon endroit : Ernest Lovinsky. Il faut dire que tous les séminaristes espéraient avoir monsieur Lovinsky comme prof de français, car il avait la réputation d'être sympathique. Dans un milieu autoritaire et élitiste, cet homme était une bouffée d'air frais. Ajoutons, sans arrière-pensée, le fait que parce qu'il était Noir le rendait davantage attrayant à nos yeux. Dans une petite ville comme la mienne, il y avait peu de gens de couleur. Ernest Lovinsky souriait tout le temps. Ça compte, pour un cancre ! Par son mariage, le jeune homme avait un lointain lien de parenté avec moi. Il connaissait mon père et il lui est arrivé à quelques occasions de venir chez moi. Il y avait de sa part les encouragements dont j'avais besoin pour me sentir revalorisé. Entre autres, il m'avait félicité pour une courte histoire que j'avais écrite. Ce n'était pas encore le coup d'envol que me donnera Côme Cossette (Voir l'article suivant) mais un préambule à l'idée que je pouvais créer.
Monsieur Lovinsky, maintenant retraité, habite mon quartier et je le croise à l'occasion quand je me rends au dépanneur du boulevard. Il s'adresse à moi avec ce même sourire généreux et se dit content que je sois devenu romancier. Cet homme a été le seul rayon de chaleur humaine dans l'univers étouffant du séminaire.
1. anaflore le 30-10-2015 à 02:40:32 (site)
bravo pour la photo du jour
bel hommage à ce prof
bon wk
2. jakin le 30-10-2015 à 12:36:43 (site)
Bonsoir Mario, Un séminariste qui se nomme Lovinsky et qui détonne dans le dogme religieux était peut-être trotskiste ?
3. Florentin le 30-10-2015 à 15:51:27 (site)
Tu n'es pas si âgé que le séminaire que tu as fréquenté date de Mathusalem. Je ne comprends pas que tu y aies vécu une atmosphère si lourde. Si je ne m'abuse la religion catholique, c'est la joie. Du moins c'est ce qu'elle revendique.
4. MarioB le 30-10-2015 à 16:49:44 (site)
Monsieur Lovinsky était natif d'Haiti, chassé par le régime Duvallier.
Pour en savoir un peu plus sur mon aversion pour ce lieu, voici un article :
http://mario3.vefblog.net/6.html#Mario_et_le_semnaire
Après la cruelle expérience du séminaire, je suis entré le coeur inquiet à l'école publique de la Polyvalente du Cap (qui portera, plus tard, le nom de Académie Les Estacades), lieu ayant mauvaise réputation. 'Savez, les grosses polys de béton avec 3000 jeunes cordés un peu partout... Cette école m'a pourtant apporté beaucoup et a façonné ma future vie adulte. Deux professeurs en sont responsables.
À ma première année : Côme Cossette, enseignant en français, qui ressemblait un peu à Elvis Presley. Un jeune, plutôt calme. Je ne saurais dire ce qui se passait en classe, sauf que sa voix douce me donnait des frissons. Un jour, il demande la classique compo de 300 mots et je lui arrive avec le triple. J'ai récolté une mauvaise note pour ne pas avoir suivi la consigne, mais monsieur Cossette m'avait retenu en classe pour me dire, amicalement, que mon texte était bon et que je devrais écrire des histoires. À la fin de l'année scolaire, je lui présente mon premier roman : 500 pages. Ceci l'a sans doute étonné, mais cet homme, qui s'apprêtait à partir en vacances estivales, a pris le texte, l'a lu, m'a téléphoné en juillet, me demandant de le rejoindre chez lui pour en parler. D'autres s'en seraient lavé les mains, mais pas lui. Depuis ce jour, je ne cesse d'obéir à Côme Cossette : j'écris des histoires. L'année suivante, il n'était plus dans cette école et je ne l'ai jamais revu de ma vie, comme je n'ai jamais rencontré un autre homme prénommé Côme.
L'année suivante : cours d'Histoire du Canada, avec Alain Dion. Pas calme, celui-là. Une tornade ! Au delà des écarts de voix, des exclamations, du va-et-vient dans tous les coins du local, il y avait une passion évidente pour ce qu'il enseignait. On n'écoutait pas un cours d'Alain Dion : on le vivait. Tous les élèves l'adoraient, car il était trippant. Si le premier m'a incité à devenir romancier, Alain Dion a semé dans mon coeur la petite graine du futur historien. Au cours des années 1990, lors de mon stage en enseignement à la polyvalente, Alain Dion était toujours présent. Il m'a reconnu, mais ne se souvenait pas de mon nom. J'ai alors pu lui tendre la main et le remercier.
1. Nikole-Krop le 29-10-2015 à 04:06:18 (site)
J'adore quand tu nous racontes ces histoires-là, de ta vie : c'est toujours touchant et fortement ancré dans le réel derrière certaines pudeurs. C'est émouvant.
En treize années à l'université, j'ai vu passer des douzaines de profs, cela en pédagogie, en français et en Histoire. Les plus aimables étaient de ce dernier domaine, hommes et femmes avec qui je m'entendais. Je pourrais dire beaucoup de mal des enseignants en français et je n'aurais pas à rougir. C'est d'ailleurs un de ceux-là qui a eu le privilège d'une engueulade de ma part, pour une raison que je ne dirai pas, mais si vous êtes tant curieux, je vous répondrai dans la zone des commentaires.
Quand on est étudiant adulte, dans la quarantaine et la cinquantaine, on ne peut s'attendre à ce qu'un prof influence notre vie, comme cela arrive au cours de l'enfance et de l'adolescence. Pourtant, cela m'est arrivé à l'université, grâce à cet homme : Jocelyn Chamard.
Jocelyn Chamard était un professeur associé à l'Université de Montréal, présent à presque toutes les sessions à l'Université de Trois-Rivières, en qualité de chargé de cours. Un chargé de cours est la même chose qu'un prof d'université, sauf qu'il gagne moins cher. Monsieur Chamard était un spécialiste de l'histoire ouvrière, des révolutions, des mouvements sociaux. Chose rare : il m'a enseigné à quatre reprises. Malchanceux, disaient certains. Pas d'accord, mais je n'ai rencontré qu'une seule autre personne l'appréciant. Tous les autres ne l'aimaient guère.
Pourquoi ? Ses cours étaient surchargés, l'homme était un mauvais communicateur, parlant bas et avec de curieuses hésitations. Bref, il n'était pas captivant, ni spectaculaire. Après les cours, monsieur Chamard était assigné à un petit local, pour recevoir les étudiants désireux de lui poser des questions. C'est à ce niveau que j'ai découvert un aspect qui m'a beaucoup influencé, tant comme étudiant en Histoire que comme romancier.
En effet : Jocelyn Chamard répondait aux questions par des questions. Manie d'abord déroutante, mais qui permettait à l'étudiant d'aller plus loin qu'une réponse toute faite. Davantage que se surpasser : derrière les réponses-questions, il y avait toujours un doute, ce qui, en Histioire, est essentiel pour entreprendre une recherche aux niveaux supérieurs de la maîtrise et du doctorat. Comme j'ai aussi croqué dans ces deux bestioles, à chaque fois que je dénichais quoi que ce soit dans un document d'archive ou dans un livre, je me posais sans cesse des questions. Méthode substantielle et efficace. Mes profs à la maîtrise et au doctorat ne m'ont jamais parlé de ceci. Cependant, pour le mémoire et la thèse, il y avait l'ombre de Jocelyn Chamard à chaque page. Dans mes romans, je posais sans cesse des questions de base : Pourquoi ? Quand ? Où ?
Du point de vue pédagogique, l'homme avait un petit truc, pour les examens, qui permettait aussi d'aller un peu plus loin. Il donnait cinq questions deux semaines à l'avance, puis le jour de l'examen venu, il en posait deux. Les étudiants avaient donc préparé trois réponses pour rien ? Non, car ce travail leur a permis de mieux connaître la matière et de faire d'eux de meilleurs étudiants cultivés sur un sujet donné. Jocelyn Chamard était un homme formidable !
1. Nikole-Krop le 27-10-2015 à 04:48:47 (site)
Un très bel hommage.
(Un Socrate quelque part ... ?)
Le doute et la question sont essentiels.
2. jakin le 27-10-2015 à 12:41:21 (site)
Bonsoir Mario, J'avais de l'Université une approche très passionnelle, je m'était imaginé que ce lieu était le temple du savoir et de la connaissance...Jusqu'à ce que je franchisse le pas à 50 ans. Et tout naturellement je me suis mis à commenter, discuter, et contredire le "prof" selon les canons de la sémantique. Et je me suis fais ramasser par ceux-là même qui m'ont vites fait remarquer que j'étais la pour écouter et rabâcher comme un perroquet ce que j'avais entendu pendant le cour, le jour des partiels....Déçu, mais opiniâtre j'ai tout de même poursuivi et soutenu ma thèse....
3. Florentin le 27-10-2015 à 13:11:54 (site)
J'aime aussi ce genre de profs qui ne t'assènent pas leur savoir du haut de leur estrade, mais te font participer en t'invitant à te prendre aussi en charge.
4. MarioBergeron le 27-10-2015 à 14:05:53 (site)
Florentin : Florentin, monsieur Chamard est vraiment le seul qui ait fait un truc semblable pour les examens. Cependant, je dois souligner que nous n'avions pas nos réponses toutes faites, lors de l'examen. Certains avaient mémorisé leur texte et d'autres, comme moi, les grandes lignes importantes,
Jakin : Pour ma part, c'est le milieu des étudiants qui m'a beaucoup déçu, en dernier lieu.
Merci Nikole pour ta participation, toujours appréciée.
Lors de mon bacc à l'université, je voyais souvent un vieil homme hanter les couloirs de l'institution, marchant à petits pas, les cheveux rares et blancs, la peau du cou plissée. Je savais que cet homme était un prof d'histoire, mais j'ignorais son nom. Je pensais surtout qu'il était beaucoup plus vieux que les autres enseignants.
Après la fin de mes études, comme je n'avais pas d'emploi en enseignement, je m'étais inscrit au bacc en histoire, comme simple passe-temps et aussi parce que j'adorais cette sphère. Un de mes premiers cours concernait l'histoire politique du Canada. En entrant dans le local, le vieux était là. Je m'attendais à des exposés dortoirs, mais dès les premières minutes, cet homme m'a jeté par terre : non seulement il débordait de dynamisme, mais il avait une voix ferme et radiophonique, gesticulait beaucoup et, je m'en rendrai compte rapidement, il émettait des opinions, ce que jamais les profs d'histoire ne faisaient. De plus, il avait un sens de l'humour aiguisé. En fait, cet homme était moins âgé que je ne le croyais. La haute cinquantaine, mais il avait le physique d'un retraité de 75 ans.
Son nom m'avais fait sourciller : Jean-Marc Paradis. Hé ! J'avais lu son livre sur l'histoire du baseball à Trois-Rivières plusieurs fois. Au fil de nos échanges pendant les pauses, j'apprendrai qu'il fut un gourou de l'univers de ce sport : président de Baseball-Québec, membre du bureau de direction des Aigles de la ligue Eastern, arbitre, marqueur officiel, tant de choses.
Le deuxième travail de session concernait le légendaire premier ministre canadien Wilfrid Laurier. Comme je n'avais rien à perdre à ce moment-là et que j'avais vite noté l'humour de monsieur Paradis et aussi son aspect marginal, j'avais débuté le tout par une phrase qu'on ne voit jamais dans ce type d'ouvrage : "Wilfrid Laurier, c'est le gars dont on voit la tête sur les billets de dix dollars." De plus, je n'avais mis aucune référence, utilisant la paraphrase. Un peu plus tard, je croise monsieur Paradis dans un couloir et il me fait signe de le suivre dans son bureau pour m'avouer que ma phrase initiale l'avait fait éclater de rire, que mon travail était original, "enfin hors des sentiers battus." J'ai obtenu la note maximale.
J'allais développer une belle relation avec cet homme, un rare passionné d'histoire et de baseball. Chaque fois que je le croisais, nous ne parlions que de ces deux sujets. Il avait des opinions sur tout, avait prévu le départ des Expos de Montréal, l'échec de la ligue canadienne de baseball. J'étais alors à la Maîtrise et au Doctorat et monsieur Paradis ne m'a jamais guidé, mais il demandait des nouvelles de mes recherches et se permettait un conseil amical. Je l'ai vu une dernière fois en 2003, lors d'un lancement de livre. Jean-Marc Paradis est décédé au moment où il prenait sa retraite.
Jamais je n'oublierai cette voix franche, sa drôlerie et ses moues quand je prononçais le nom de Mark McGwire, le Rambo des Cards de St-Louis, qu'il accusait d'être bourré de stéroïdes des pieds à la tête. Je sais qu'il a légué son imposante bibliothèque à un étudiant qu'il admirait et que la recherche sur microfilms de journaux pour le livre sur l'histoire du baseball à Trois-Rivières avait été accomplie non par des étudiants de l'université, mais pas des adolescents en difficultés. Jean-Marc Paradis était un homme formidable, une perle rare d'humanité dans l'univers guindé de l'université.
1. jakin le 26-10-2015 à 11:26:13 (site)
Bonsoir Mario, Ton article m'a fait penser à mon directeur de Thèse que j'avais invité il y a deux ans à participer à une conférence sur les Forgerons...en cherchant sur internet sa bibliographie, je viens de découvrir qu'il est mort au mois d'octobre de l'année dernière...Une bien triste nouvelle pour ce professeur plein de talents....
2. MarioBergeron le 26-10-2015 à 12:58:27 (site)
C'est souvent un choc, surtout quand la personne ne donnait pas de signes avant-coureurs.
3. Florentin le 27-10-2015 à 13:03:40 (site)
On se rappelle tous de l'un ou l'autre de nos professeurs, celui qui nous a marqué par la qualité de son enseignement ou par sa peronnalité. En te lisant, j''en ai quelques uns qui me reviennent en mémoire ....
4. MarioBergeron le 27-10-2015 à 14:01:33 (site)
Tant mieux ! J'en ai d'autres qui vont suivre.
5. Nikole-Krop le 29-10-2015 à 04:08:10 (site)
je n'avais pas réagi à cette histoire-là, tiens ! Pourtant, elle aussi est fort intéressante. Rassurant sur la nature humaine. Il y a parfois des gens bien. Et fort intéressants.
6. MarioB le 29-10-2015 à 12:30:54 (site)
Ce qui est moins bien est que je l'avais jugé sans le connaître.
Commentaires
1. gegedu28 le 13-11-2015 à 02:25:34 (site)
Salut Mario,
Le mien est nomade, alors difficile de décrire son lieu de résidence.
Ah si, ... la moitié du temps ... dans le sac de voyage !
Bonne journée.
A+
Gégédu28
2. MarioB le 13-11-2015 à 11:32:04 (site)
Alors, je suis sédentaire ? Merci.
3. jakin le 13-11-2015 à 12:29:49 (site)
Bonsoir Mario, et la photo a été prise à 18H40 ou 6H40....
4. MarioB le 13-11-2015 à 12:48:31 (site)
L'heure idéale pour prendre une photo !