Le journal portait le nom de Fouinard et était avant tout une feuille d'informations sur les activités mensuelles. Il était dirigé par une fille blasée et pas très intéressée à aller de l'avant. Ce n'était pas mon cas : j'écrivais déjà des romans, avais participé à deux pièces de théâtre et un véritable journal faisait partie de mes objectifs de création. Il y a eu un grave conflit entre cette demoiselle, Sylvie, et moi-même, si bien qu'elle a claqué la porte et que je me suis retrouvé seul membre de l'activité. Ceci faisait de moi le président et le représentant du journal au sein du conseil étudiant.
Je viens de trouver dans ma paperasse de documents historiques une photocopie que j'avais oubliée : l'annuaire pour l'année scolaire 1928-29 de l'École Normale des Ursulines, à Trois-Rivières.
Il y a une quinzaine d'années, j'avais trouvé, dans une boutique d'usagés, des anciens livres scolaires. J'en avais acheté six : un de français, un autre d'arithmétique et quatre d'Histoire. Conçus et publiés par des communautés religieuses, ces ouvrages s'adressaient à des enfants du primaire. Dans le cas présent : aux élèves de quatrième année, c'est à dire des garçons et filles de 9 et 10 ans. Je n'avais jamais lu ces livres, mais je viens de me pencher sur celui-ci.
Il y avait quatre étapes lors de l'année scolaire, ponctuées d'examens, sans oublier celui de la fin d'année, qui concernait tout ce qui avait été acquis au cours de tous ces mois.
Je sais très bien que tous les enfants d'âge pré-scolaire, en tout temps, avaient hâte de fréquenter l'école. Pour les gamins, c'est le passage entre être petit et devenir grand. Dans les familles avec plusieurs membres, l'enfant regardait avec envie le frère ou la soeur avec ses livres scolaires, puis avec tous les amis rencontrés grâce à l'école. Apprendre à lire et à compter, c'était un grand événement !
J'imagine qu'à l'image d'autres garçons de ma première année, entrer dans une classe sans la Grenier était synonyme de débuter véritablement l'école. Je ne me souviens pas du nom de cette blonde enseignante, mais je jure sur mon honneur qu'elle était un ange. C'est normal, car j'avais passé l'année précédente avec le diable.
Je suis à la droite, au bout de la première rangée. Le frère directeur est au centre et, comme dans le cas de la photo précédente, je ne sais pas qui est l'autre religieux. L'institutrice était mademoiselle Bellemarre. Joie ! Marcel était dans ma classe, ce qui n'est pas arrivé souvent. (Troisième à partir de la gauche, près de la "Mademoiselle.")
Vous pouvez me voir sur la première rangée, partiellement caché par le frère directeur. Il s'agissait d'un nouveau responsable. Je ne me souviens pas des noms des ces religieux. Comme j'étais un garçon tranquille, je n'ai jamais eu à me frotter à ces grands patrons. Peu de choses à raconter sur cette étape, sinon une véritable histoire.
Sur la première rangée, à partir de la gauche, le troisième écolier : Len Sawyer, qui allait devenir un grand ami d'adolescence. À ses côtés, Gilles Gladu, un pince-sans-rire turbulent, que j'ai évoqué dans mon roman Contes d'asphalte, comme l'ennemi de mon personnage Martin. "Maudit Gladu sale!", c'est lui ! Peu de souvenirs de la maîtresse Denise Montplaisir, sinon qu'elle était jolie.
Je l'aimais, voilà tout ! J'en était dingue et mon petit coeur battait à chaque journée. Je voulais l'épouser, quand je serais vieux, à quatorze ans. Huguette Alain était l'idéal féminin et rougissait tout le temps, ce qui était singulier, pour une maîtresse d'école. Je ne l'ai jamais oubliée et dans mon roman Contes d'asphalte, mon personnage Martin porte la même passion pour madamoiselle Huguette, décrite tout autant rougissante.