L'école de l'enfance comptait sept niveaux d'apprentissage, répartis en autant d'années. Il y avait à l'école Saint-Eugêne deux classes pour chaque niveau. Que trois religieux en poste : le directeur et deux enseignants. Le reste du personnel était féminin. De bons souvenirs des "Mademoiselles", particulièrement mademoiselle Huguette, dont j'étais amoureux. Les deux frères enseignaient au dernier niveau. Donc, les gamins grandissaient en voyant sans cesse ces deux hommes et portaient des jugements, souhaitant pour la grande finale avoir l'un ou l'autre. Il y avait le frère Bovril, lequel mot est une marque d'un bouillon de boeuf. 'Souviens plus de son nom ! Pas plus de celui du frère Charles. Ce dernier faisait peur aux enfants. Je ne voulais surtout pas atteindre sa classe !
J'ai déjà écrit un article sur ma malheureuse expérience comme étudiant au Séminaire Saint-Joseph de Trois-Rivières, au début de mon adolescence. Beaucoup de complexes sont nés à cause du climat du lieu et aussi parce que j'étais passé d'élève moyen à cancre. Un seul professeur a retenu mon attention, surtout parce qu'il se montrait gentil à mon endroit : Ernest Lovinsky. Il faut dire que tous les séminaristes espéraient avoir monsieur Lovinsky comme prof de français, car il avait la réputation d'être sympathique. Dans un milieu autoritaire et élitiste, cet homme était une bouffée d'air frais. Ajoutons, sans arrière-pensée, le fait que parce qu'il était Noir le rendait davantage attrayant à nos yeux. Dans une petite ville comme la mienne, il y avait peu de gens de couleur. Ernest Lovinsky souriait tout le temps. Ça compte, pour un cancre ! Par son mariage, le jeune homme avait un lointain lien de parenté avec moi. Il connaissait mon père et il lui est arrivé à quelques occasions de venir chez moi. Il y avait de sa part les encouragements dont j'avais besoin pour me sentir revalorisé. Entre autres, il m'avait félicité pour une courte histoire que j'avais écrite. Ce n'était pas encore le coup d'envol que me donnera Côme Cossette (Voir l'article suivant) mais un préambule à l'idée que je pouvais créer.
Après la cruelle expérience du séminaire, je suis entré le coeur inquiet à l'école publique de la Polyvalente du Cap (qui portera, plus tard, le nom de Académie Les Estacades), lieu ayant mauvaise réputation. 'Savez, les grosses polys de béton avec 3000 jeunes cordés un peu partout... Cette école m'a pourtant apporté beaucoup et a façonné ma future vie adulte. Deux professeurs en sont responsables.
En treize années à l'université, j'ai vu passer des douzaines de profs, cela en pédagogie, en français et en Histoire. Les plus aimables étaient de ce dernier domaine, hommes et femmes avec qui je m'entendais. Je pourrais dire beaucoup de mal des enseignants en français et je n'aurais pas à rougir. C'est d'ailleurs un de ceux-là qui a eu le privilège d'une engueulade de ma part, pour une raison que je ne dirai pas, mais si vous êtes tant curieux, je vous répondrai dans la zone des commentaires.
Lors de mon bacc à l'université, je voyais souvent un vieil homme hanter les couloirs de l'institution, marchant à petits pas, les cheveux rares et blancs, la peau du cou plissée. Je savais que cet homme était un prof d'histoire, mais j'ignorais son nom. Je pensais surtout qu'il était beaucoup plus vieux que les autres enseignants.
L'historien que je suis a entrepris ses études universitaires en enseignement. Une grave erreur de ma part. Je ne le dis pas avec le recul : après une année d'études dans ce domaine, je savais que je faisais fausse route. Cependant, comme je ne suis pas du style à laisser tomber, j'ai poursuivi, même si de session en session, le coeur n'y était plus.
Confiant face à la réussite de mon premier stage en enseignement, une année plus tard, j'entreprends le second, cette fois en français, dans une autre école et pour une clientèle adolescente plus jeune (13 ans). Je ne savais pas que j'allais vivre les trois semaines les plus infernales de ma vie.
Je me souviens très bien du moment étrange de l'acquisition de ce livre rare. C'était en 2002 et je l'avais emprunté à la bibliothèque de mon université, pour me documenter en vue de la création d'un roman. Ayant trouvé cette lecture fascinante, j'avais décidé de l'acheter, mais les libraires m'avaient fait remarquer que cet ouvrage de 1978 n'était plus sur le marché depuis longtemps. Alors, j'avais photocopié le livre et, une semaine plus tard, je le trouvais dans une boutique d'usagés.
Voilà quatre jours que j'ai soixante ans. Symboliquement, c'est peut-être depuis trois années, précisément depuis que je perds mes cheveux. La situation devrait être la même qu'à 40 ou 50 ans : m'en fiche. Mais ce ne serait pas vrai de l'écrire. C'est peut-être que j'ai trop lu de mini-bios de musiciens, de comédiens de cinéma, d'athlètes : Plusieurs commencent à mourir au cours de leur soixantaine. Très peu avant. Peut-être aussi qu'à 70 ans, je vais chanter que j'étais bien, au cours de ma jeunesse, à 60 ans.
Il me semble que depuis les cinq dernières années, tout ce que j'aimais s'est écroulé. Cela a débuté quand l'éditeur m'a largué, moi qui pensais passer des décennies avec ces gens ! Puis l'impossibilité de trouver preneur ailleurs, ma thèse de doctorat en Histoire que personne de mon entourage n'a demandé à lire, les hystériques anti-tabac qui me fichent dehors de mon café favori et qui font en sorte que je risque de me faire insulter ou même attaquer par le premier venu. Pffff... J'ai été démoralisé dans la seconde partie de ma quarantaine et maintenant que j'ai atteint cinquante, mon acharnement face à l'idée de trouver un "gros éditeur" a enfin porté fruit. J'y aurai mis cinq années et trois manuscrits, mais, enfin, le roman est là. Ce sera formidable ! Du moins, je l'espère... Je le mérite! J'ai tant travaillé tous ces textes en y mettant toute mon âme. Mais j'ai parfois l'impression que la société se fiche des âmes.
Ah! J'aurais dû avoir un magnétophone, à l'adolescence, quand mes amis m'avaient demandé si j'allais faire publier le roman que je venais d'écrire et que je leur avais répondu qu'à quarante ans, ce serait le bon moment. C'est exactement ce qui s'est passé, avec le petit Tremblay et fils il y a deux ans, puis maintenant, j'ai une véritable maison d'éditions qui me fait confiance, qui a promis de lancer les six romans de ma série Tremblay au cours des prochaines années. De plus, je suis heureux d'entreprendre mes études à la maîtrise en Histoire. Je sens que j'ai attendu ces moments toute ma vie, qui sont ceux de la liberté et de la reconnaissance comme écrivain. J'étais romancier avant, mais maintenant, je pourrai faire partager avec le grand public. Oh, je ne pense pas à la gloire et à ces leurres ; qu'une simple reconnaissance et des personnes qui approchent pour me dire qu'ils ont aimé mes personnages et mon histoire, comme c'est arrivé au salon du livre de Trois-Rivières, en avril. Dommage que le roman porte le titre le plus laid qu'on puisse imaginer : Le Petit Train du bonheur. Pouah! Mais je n'ai pas eu le choix... L'avenir m'appartient enfin ! J'ai tant attendu...
J'ai l'impression que ma vie est d'un ennui... Le plaisir entre amis s'effrite et j'ai toujours l'impression que je déteste tous mes emplois. On pourrait croire que travailler à la radio était prestigieux, alors que ce n'était qu'une montagne de frustrations. Pour la ville, c'est pire encore, mais l'avantage est que je n'ai pas d'horaire, que je peux être là le soir, la nuit. Parce que me réveiller le matin, je vais tout faire pour que ça ne se reproduise plus ! Bien sûr, il y a le p'tit hockey avec les gars, mais ce n'est qu'une fois par semaine. Depuis que le Rio est disparu dans un incendie, j'ai l'impression de boire de la bière par habitude. Aussi une routine dans ce que j'écris, comme si j'avais perdu la passion. C'est ça la trentaine ? C'est ça, devenir adulte ? Je préférais quand j'étais un adolescent trop prolongé. Il faudrait que me je redresse, frapper dans mes mains, et me convaincre qu'il faut changer, tout changer.
Comme c'est magnifique d'avoir vingt ans et d'être capoté ! C'est moins rigolo d'avoir ce chagrin d'amour si lourd et de ne pas avoir le choix de travailler pour mon frère... J'essaie de ne pas trop y penser, car lorsque j'ai ma paie entre les mains, j'ai ce qu'il faut pour acheter des disques de rock et pour fêter avec Ti-Chris et Gilles, que ce soit au Trou ou au Rio. Le DJ du Rio est fantastique, même s'il a tendance à faire jouer souvent les mêmes pièces. Voilà octobre et la température plus froide, idéale pour le Rio. Nous allons parler, parler, parler et rire, prendre trop de bière, fumer toutes sortes de trucs et ça va me faire oublier ma peine. Il faudrait qu'un jour j'écrive un roman sur les nuits du Rio, sur les amis, la liberté et l'imprévu. J'ai l'impression que ce ne sera plus ainsi, quand je serai vieux, à trente ans.
Ma nouvelle maîtresse d'école, c'est mademoiselle Huguette. Elle me paraît bien. J'aimerais mieux avoir continué les vacances d'été, mais on n'a pas le choix d'aller à l'école, même si je n'aime pas ça. J'ai eu du plaisir tout l'été avec Marcel, Daniel et Normand. Puis, tout seul, comme je le fais souvent, quand je parcours la ville au complet sur ma bicyclette. Je me suis rendu aussi loin qu'aux Forges. Puis, je me suis baigné à la piscine du parc des Chenaux. Mais avec l'école, la joie est terminée, bien que j'ai hâte que la neige tombe afin de jouer au hockey bottine dans la rue. Oh! Les Beatles! Je... non, il ne faut pas monter le son, sinon mon père va s'en rendre compte. Je colle mon oreille sur mon petit radio transistor. Qu'ils sont bons, ces gars! L'animateur parle en anglais. C'est peut-être une station de New York, que j'arrive parfois à capter, même si ça fait boui boui boui au milieu des chansons. Si je pouvais écouter toute la nuit... Mais y'a l'école demain. Une chance que mademoiselle Huguette est belle.
Il n'y a pas assez de roues, sur cette bicyclette. Je n'aime pas ça ! Je suis trop petit ! Je vais aller jouer dans le carré de sable, dans la cour. Où est la cour ? C'est par le fond, je crois... Mes jouets sont-ils là ? Ma baleine qui crie quand on lui pèse sur le ventre ? Non... c'est pour la baignoire, la baleine... Coco, mon singe de peluche, est sans doute dans ma chambre et... Ah! Un seau et une pelle. Je vais le remplir, puis faire des châteaux. Comme à la plage, où papa et maman m'ont emmené, au début de l'été. C'était amusant et il y avait d'autres enfants qui avaient aussi quatre ans et... Quoi, maman ? Non, je ne me salis pas : je joue. Oui, je fais attention. Oups... un caillou dans le sable. Est-ce qu'il y a des cailloux, dans les châteaux ? Qu'est-ce que c'est, cette affaire qui bourdonne ? Une... guêpe ! Maman ! Maman ! Une guêpe pas gentille ! Maman ! Ouch...
Je viens à peine de recevoir cette image de ce qui deviendra sans doute la page couverture de mon prochain roman, dont la mise en marché est prévue pour février 2016. Il y avait une seconde suggestion, mais l'éditeur, son assistante et moi-même préférons celle-ci. Je souligne qu'il s'agit d'un brouillon. On peut voir, au centre, la source de l'image, qui, bien sûr, disparaîtra quand tout sera retravaillé. Il faut acheter cette illustration et ce qui est écrit est le nom de la compagnie.
New York est à cinq heures de route de chez moi. Pourquoi s'en priver ? Heu... C'est à dire qu'il faut ajouter à ce temps un soixante minutes de plus à la frontière pour une fouille en règle et deux heures pour entrer à New York même. Je me suis permis ce voyage en août 2002. Bien sûr, on entend parler des Américains ici et là, mais il s'agit de propagande informatisée. Ce n'est pas la réalité. Je voulais connaître la culture américaine telle qu'on ne nous la présente pas.
Je me suis frotté à quatre éditeurs au cours de ma vie, et chacun avait sa propre méthode pour revoir les textes, bien qu'il existait des points communs. Chez Marcel Broquet, c'est la méthode téléphonique, plus directe et chaleureuse, mais difficile pour une personne comme moi qui a un vieux téléphone, devant garder le récepteur coincé entre mon oreille et ma joue, tout en écoutant la femme et en apportant les modifications avec un seul doigt. Après deux heures : oreille rouge et torticolis. C'est aussi la première fois que j'ai une réaction à propos du roman, un moment toujours précieux pour un auteur.